Re: Je vous raconte notre rencontre IRL de ce 10 août... |
sam 13 août 2005 17:31 |
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(cinquième épisode)
Il paraît qu'au mois d'août, Paris est assez
calme. Imaginez-donc l'état des routes en plein mois d'août à 2h30 du
matin... C'est assez agréable pour la conduite. Moi qui aime justement
user de mon clignotant et de mon accélérateur, je m'ennuie presque sur
ce long trajet rectiligne, seulement ponctué par quelques feux (je
parle bien sûr des feux tricolores... qui ne sont que d'une couleur à
la fois ; on les appelle aussi feus rouges, mais je les ai passé au
vert. Je me contenterai donc du terme de feu).
Je m'étonne que Sally ne s'endorme pas dans l'auto, mais j'allais
comprendre quelques instants plus tard la raison : la soirée n'était
pas finie !
En effet, nous voici de retour dans le quartier de l'auberge du
neuvième étage. Monsieur Sally, en parfait parisien, me trouve quelques
places interdites où je pourrais éventuellement me garer, et déniche,
quelques mètres plus loin, un magnifique emplacement sur lequel aucun
créneau n'est nécessaire. Une manoeuvre pour la journée, ça aura
suffit. Et puis si je l'avais ratée, j'aurais perdu toute ma
crédibilité au volant...
Chic, les parisiens sont des gens sympas, ils font payer leur
stationnement toute l'année, sauf au mois d'août. Si j'étais eux, je
ferai le contraire : gratuité toute l'année, et parcmètre pour les
touristes en août. Mais que voulez-vous, je n'y comprendrai jamais
grand chose au raissonnement urbain.
Je résume donc : je marche dans le silence d'un quartier de la
capitale, toujours en tenue de touriste, avec cette fois une valise
accrochée au bras, suivant mes 2 guides qui prennent des raccourcis
pour atteindre l'auberge. L'homme de Sally a trouvé au fond de ses
poches un talisman magique qui nous permet d'ouvrir chaque portail sans
réveiller toute la tour. Je pense à ce moment-là que nous sommes
certainement les seuls survivants de la nuit. J'entends presque, à
travers les parois de l'ascenseur, les ronflements des visiteurs des
auberges du premier étage, puis du deuxième, du troisième, etc...
Sur le palier du neuvième, d'une oreille attentive contre la porte,
notre aubergiste nous confie : "c'est encore réveillé là-dedans".
La porte ouverte fait tomber tous mes espoirs d'aller me coucher
rapidement : il règne encore dans cet endroit la même ambiance que
celle que j'avais trouvé en fin d'après-midi, sauf qu'il y a de
nouveaux visages. Ah, le fils est toujours là ! Sally s'indigne,
certainement pour me faire croire que ce n'est pas habituel : "Bah, tu
n'es pas encore couché, toi, comment ça se fait ?". Question auquel le
jeune non-dormeur répond un laconique : "je ne suis pas couché puisque
je suis debout". Certes.
Tiens, une nouvelle tête. Cet individu, si j'ai bien compris, vient de
rentrer du boulot, et se détent déjà devant l'un des ordinateurs de
l'auberge (mais ne serait-ce pas en fait un cyber-café qui fait
fonction d'hôtel?). A croire que la journée commence pour lui.
Sally est déjà au bar. Non pas pour reprendre une bière, rassurez-vous,
elle n'est pas comme ça, mais pour nous dévoiler le goût secret de la
potion magique qu'elle traîne depuis son désert de Bourgogne. C'est
vrai, quoi, on en rêve tous, à 3h du matin, après une journée fatigante
(la route, les bouchons, la foule, les restos, le froid de la nuit) de
passer un bon moment à goûter les essais culinaires. Qui aurait eu
l'idée de faire autre chose ?! Comment ? Aller se coucher ? Vous n'y
pensez-pas, ce n'est pas à 3h du matin qu'on va se coucher...
A vrai dire, j'aurais eu bien tord d'aller m'endormir. De toutes
façons, mon lit étant dans le bar (ils font aujourd'hui des meubles
clic-clac très pratiques), je n'avais pas le choix.
Devant Sally, bien éveillée, une bouteille. Mais alors ne croyez-pas
voir la forme classique du récipient dans lequel on met le mauvais vin
rouge des repas d'hiver chez les petits vieux du bordelais. Oh non !
Cette bouteille a une forme et une apparence directement sorties des
meilleures fables moyen-âgeuses que vous puissiez imaginer : une
bedaine bien arrondie, enveloppée d'osier tressé, et fermée par un
vieux bouchon en liège qui a du voir passer des générations de buveurs
de potions (pour ceux qui liraient trop vite, je parlais bien de la
bouteille, et non de Sally).
L'individu qui est rentré du boulot a déjà sorti quatre verres, et
Sally y verse un liquide parfumé et liquoreux. "Je ne t'en mets pas
trop, peut-être que tu ne vas pas aimer". J'imagine toutes les
possibilités : soit elle me dit ça parce que c'est excellent, et
qu'elle en veut plus pour elle (j'use souvent cette tactique avec mes
petits neveux et nièces quand je leur sers des moules-frites). Ou
alors, autre éventualité, la potion a l'horible goût des mauvais
médicaments que je prennais lorsque j'avais des verrues sous la plante
des pieds ou des furoncles sous les aisselles : ça a la même couleur...
(mais pour mon histoire personnelle médicale, ça reste entre nous
s'il-vous-plaît). Troisième possibilité : cette potion fait partie d'un
sort que va me lancer dame Sally, et la quantité prescrite dans son
grimoire correspond à la larmichette qu'elle m'a versée ! Je vais ruser
: je dirai que j'aime (tant pis pour le souvenir des furoncles) et je
casserai ainsi le sort en brouillant l'exactitude des ingrédients !
(à suivre)
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Re: Je vous raconte notre rencontre IRL de ce 10 août... |
dim 14 août 2005 02:23 |
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(cinquième épisode bis...)
Le meilleur moyen pour se faire un avis, c'est
de goûter. J'attends toutefois que mes compagnons y trempent les
lèvres, et après m'être assuré qu'aucune transformation magique n'avait
lieu dans l'immédiat, je m'y risque à mon tour.
D'abord l'odeur : c'est parfumé, il n'y a pas de doute ! J'y retrouve
des saveurs de meubles cirés de chez ma grand-mère, ainsi que des
souvenirs olfactifs des grandes pièces de la maison familiale de
vacances où nous allions en Dordogne, sans oublier un étrange rappel
des saveurs de certaines lotions contre la perte des cheveux que
j'utilisais dans ma jeunesse pour faire pousser plus rapidement mes
cils.
Je me risquerai bien à jouer le connaisseur, en remuant le liquide, et
en m'émerveillant sur sa robe généreuse et son bouquet velouté, mais je
me retiens, il y a peut-être plus fort que moi autour de la table, et
si le ridicule ne tue pas, il peut toutefois rendre... ridicule !
Première goutte du breuvage : à peine entrée dans mon orifice buccal,
la langue frémit de toutes ses papilles, le palais en redemande au
passage, mes glandes salivaires humidifient le lieu pour mieux profiter
des arômes... Un petit coup bien placé de mes muscles pharyngés
l'envoient rouler dans mon oesophage, qui, réchauffé par le taux
d'alcool dépassant la dose permise à cette heure, offre déjà la riche
substance à mon estomac qui, oh le veinard, pourra en profiter pendant
2 ou 3 heures, le temps de ma digestion. Vous l'aurez compris : c'est
bon ! Et des petits influx nerveux me parcourent déjà le corps pour
forcer mes membres supérieurs à conduire le reste du liquide par le
même chemin que celui emprunté par la première goutte. C'est beau la
mécanique corporelle...
Je soupçonne Sally d'avoir introduit dans son liquide quelques
molécules qui donnent une accoutumance, car sans pouvoir faire
autrement, j'en redemande. C'est peut-être le début du charme, mais
qu'importe : si c'est un liquide destiné à m'envoûter pour mieux me
kidnapper, j'espère secrètement qu'un membre du forum de Cartables
s'interrogera sur mon absence en septembre. Et si Sally allait raconter
que je boudais ? Ou que j'avais déménagé ? J'ai bien envie de lui
demander si je peux aller faire un tour sur le forum pour poster un
message de secours dans le forum de test... Il est déjà rédigé
mentalement : "si vous ne me voyez pas revenir avant 10 jours, merci de
contacter les services spécialisés".
Rien à faire ; je suis trop bien sur ce siège de bar, la
tête au fond de mon gobelet de verre, enivré par le
sortilège.
Dehors, c'est splendide : les étoiles dansent avec les réverbères, les
ponts du métro se prolongent en voie lactée, et la rumeur nocturne
s'élève avec le chant des sirènes (pas celles qui font pin-pon...).
Faut pas vous dire si j'ai déjà trop bu !
Après quelques gorgées dont je tairai le nombre ici, de peur que
quelques parents d'élèves ne se servent d'un bas chantage pour obtenir
une bonne note au prochain contrôle de leur rejeton, je comprends qu'il
est bientôt l'heure d'aller se coucher ! Mais voilà une excellente
idée... D'ailleurs, faudra que je retienne, c'est très agréable de
boire un coup et de s'endormir après auprès de Morphée (en fait,
c'était pas Morphée, c'était le fils de Sally, et j'étais pas vraiment
à côté... et puis c'est pas le ronfleur d'à côté qui était agréable,
mais simplement le fait de s'endormir... oh et puis d'abord, arrêtez
avec vos demandes de détails, il est l'heure de dormir là !).
Avant d'aller faire dodo, je m'offre une petite visite dans les
dépendances de l'auberge. C'est luxueux, il y a même une salle de bain
féminine ET une salle de bain masculine. Je retiens pour le lendemain,
même si j'ai le droit de me tromper ("mais c'est moins pratique chez
les filles" me dit-on... Allez savoir ce qu'il y a en moins là-bas ?
Pas de prise pour le rasoir ? Trop de flacons de maquillants et de
démaquillants sur le lavabo ? La table à repasser en plein milieu ? Je
ne le saurai jamais, j'ai oublié d'aller visiter le lendemain).
Bref, ne perdons pas notre temps en considérations inutiles, il est
temps d'aller dormir. Un petit passage aux toilettes, rapide (le plus
long a été de comprendre que l'interrupteur d'apparence unique était en
fait deux minuscules boutons associés, l'un commandant le cabinet,
l'autre le couloir : j'ai donc allumé et éteint dix fois le couloir
sans comprendre que je faisais la même chose dans les toilettes. Vous
n'avez rien compris ? C'est pas grave, moi j'ai réussi à tout faire
selon mes besoins, mais après tout, vous êtes bien indiscrets de me
suivre jusqu'ici...).
Ah. Me voilà au fond de mon duvet. Je n'ai même pas le temps de me
demander comme le capitaine Haddock s'il vaut mieux mettre le menton à
l'intérieur ou à l'extérieur de la couette que je suis déjà en train de
rêver aux doux visages d'instits que j'allais rencontrer le lendemain !
Des bruits, du mouvement... Y'a une personne de l'auberge qui passe,
qui soulève des trucs, qui les remet. Ah oui c'est vrai, je ne suis pas
chez moi, ça m'étonnait aussi tout ce remue-ménage. Dehors, des autobus
démarrent, freinent, ouvrent leur porte. Mon portable réglé sur le
réveil à 9h a peut-être déjà sonné, je ne sais plus. Tiens, une autre
tête qui passe, elle m'a dit bonjour. Elle doit se dire : encore un
squatter dans cette auberge. Je suis prêt à lui expliquer que j'ai
juste suivi Sally, que je suis instit aussi, et que je peux lui montrer
mes papiers si elle ne me croit pas, que je vais payer la chambre et
ranger les draps, que... inutile, elle est déjà partie. J'ai même
oublié de lui répondre bonjour. Quelle idée aussi de s'adresser à des
gens en phase de réveil ; à cette heure-là, tous les réflexes ne sont
pas encore activés.
Tiens, un portable qui sonne. C'est pas le mien, puisqu'en j'en ai un
rouge et celui qui s'agite est bleu. Ah, voilà le type d'hier qui n'a
pas dormi vraisemblablement puisqu'il est déjà rentré du boulot de ce
matin (faudra qu'on m'explique comment ils vivent les gens du neuvième
étage de la tour de l'auberge...).
"C'est à qui ce portable", il crie, le gars qui dort pas. La foule
autour ne répond pas. Mais non, c'est pas le mien, le mien il est
rouge. Rebelotte, le portable resonne. "Mais c'est à qui ce portable...
C'est quelqu'un chez Bouygtel". Ah, je suis chez Bouygtel. Serais-je
encore trop endormi pour ne pas reconnaître mon portable ? Mais non, il
est vraiment trop bleu celui-là pour que je le confonde avec mon
téléphone rouge. Bon, cela restera le mystère du portable bleu (titre
de mon prochain roman ?).
Ouf, tant de questions si tôt, ça m'a achevé.
Enfin, c'est le grand jour de la rencontre, il faut vraiment que je me
réveille.
Le bol de lait est plus fade que le bol d'élixir de la nuit, mais il
accompagne traditionnellement mon réveil. Ce n'est peut-être pas très
parisien de boire du lait le matin, mais tant pis, un petit moment de
honte est si vite passé.
Bon. Le corps est repu jusqu'au prochain pique-nique, je vais donc
pouvoir passer à la salle de bain. Attention, faut pas que je me
trompe, ceux qui ont suivi savent bien qu'il y a 2 salles de bain ! Je
prends donc la porte de gauche, qui ressemble en effet à une salle de
bain masculine : baignoire, douche, lavabo. Pas de table à repasser ni
de démaquillant plein les armoires. Je ne suis pas très réveillé mais
déjà observateur.
Pour le paragraphe qui suit, je demanderai aux jeunes lecteurs de bien
vouloir abandonner la lecture, car certaines scènes comportent de la
nudité qui pourraient heurter leur succeptibilité. Eh oui, je n'ai pas
encore trouvé le moyen de prendre ma douche tout habillé pour les
besoins de mes récits. Enfin, par pudeur, tirons quand même ce
magnifique rideau de douche. Et comme ça, je ne transformerai pas la
pièce en piscine olympique.
Dans le fond, ça se passe bien ici : j'ai bien mangé la veille, bien bu
avant d'aller dormir, j'ai roupillé d'une traite, et tous ces gens qui
vont et viennent dans l'auberge m'ont l'air très normaux. Cependant, le
lecteur averti s'en souvient, il reste une personne à laquelle il ne
faut pas que j'adresse la parole dans ce lieu. Mais qui est-ce ? Celle
qui m'a servi la veille ? Celle qui m'a salué à la sortie du lit ? Je
n'ose pas engager la conversation (enfin rassurez-vous, dans la salle
de bain, y'a pas foule).
Oups j'ai parlé trop vite, voilà qu'on tambourine à la porte ! Vite,
être présentable, enfin au moins un minimum. Mince, c'est une femme que
je pense avoir déjà aperçu. Mais ne sait-elle pas qu'ici c'est la salle
de bain des hommes ?! Ou alors l'a-t-elle fait exprès, voulant
découvrir mon corps d'athlète (là, je romance un peu, j'avoue). Elle
cherche son jean, me dit-elle. Elle en avait déjà un sur elle, mais ça
ne devait pas être celui-là. Aimable, j'aide un peu à chercher : rien
derrière le rideau de douche (normal j'en viens), rien dans le lavabo,
rien non plus sur moi (oups, si quand même un minimum)... La pauvre se
confond en excuses. C'est humain de chercher son jean, j'ai envie de
lui dire, mais en même temps, comme elle en a déjà un sur elle, elle
aurait pu attendre que j'ai fini de me pouponner.
J'appris quelques temps plus tard que c'était elle la fameuse fille
dont je devais me méfier, qui était un peu bizarre, et à qui il fallait
éviter de parler. Enfin, en terme de dialogue, ça s'est limité à cinq
"non, c'est pas grave" en réponse à ses cinq "excuse-moi, je cherche
mon jean"... Je ne pense pas avoir pris trop de risques.
Il était malheureusement bientôt temps de quitter cet endroit magique
(pas la salle de bains, mais l'auberge) pour, heureusement, trouver un
lieu où le charme des rencontres virtuelles allait opérer : le parc de
la Villette, où nous devions tous nous retrouver, instits de tous
horizons et de toutes connexions.
(à suivre)
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Re: Je vous raconte notre rencontre IRL de ce 10 août... |
mar 16 août 2005 00:38 |
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Sixième épisode
Ma petite voiture a passé une bonne nuit dans sa
ruelle parisienne. Pensez-vous, ça doit être angoissant pour une petite
auto d'être avec plein de touristes : des 75, des 91, des 93, des
307... Je la console en ajoutant quelques provisions dans son coffre,
et vérifie au passage qu'elle n'a pas dévoré toute la tarte aux oignons
faite par Sally.
Ouh là, d'ailleurs, ce détail m'a échappé. Savez-vous que Sally voulait
me faire travailler, en réalisant ce mets particulier ? Cette
canaillousse (c'est un terme affectif de ma région) souhaitait, à mon
insu, que je passe ma journée dans les fourneaux. Elle n'a pas mesuré
l'ampleur du risque qu'elle prenait : mettre le feu à l'école en
faisant revenir les petits oignons (comment aurait-elle fait sa rentrée
?), me tromper dans les quantités et réaliser ainsi une tourte aux
oeufs au lieu d'une quiche aux oignons, ou pire, l'entamer et la
terminer sous prétexte de goûter mon oeuvre. Non, assurément,
heureusement que j'ai réussi à convaincre Sally de ne pas prendre le
tablier de cuisinier. Entre nous, je n'ai convaincu personne, c'était
le four de Paris qui était trop ridicule pour la taille du plat
bourguignon. Amis pique-niqueurs, vous avez donc échappé à ma quiche
aux oignons !
Nous voici à vive allure (80km/h devant les radars automatiques, un peu
plus ailleurs) sur le périphérique de Paris. Heureusement que je m'y
connais un peu, car c'est une route piège. Je vous explique : si par
mégarde, en tant que bon touriste de passage à la capitale, vous
décidez de suivre cet itinéraire pour mieux découvrir le paysage urbain
de Paris, vous pouvez, sans le savoir, faire plusieurs fois le tour de
la ville. Ces coquins de parisiens ont en effet joint les deux bouts du
périphérique : le début et la fin. Ainsi, si vous êtes dans un véhicule
nommé "V", et que votre vitesse est "v" (minuscule), V roulant sur le
périphérique "P", vous pouvez sans le savoir faire V = 3P x v. Je
simplifie : V = 3Pv. Et 3 PV, c'est pas sympa quand on est touriste à
Paris...
C'était l'épisode pour les matheux, rassurez-vous les littéraires qui
savourent des romans aussi incongrus que celui-ci, c'est terminé, on
revient à votre activité favorite : la lecture !
Lisez donc ce qui suit. Sachant qu'il ne fallait pas tomber dans le
piège du périphérique-sans-fin, nous avions décidé, avec Sally, de
sortir à "Porte de la Villette". Là aussi, c'est une particularité du
périphérique parisien : les "portes" sont des sorties pour voiture.
Rien à voir avec les portes de vos maisons. Et inversement, au-dessus
des portes de leurs habitations, à ces drôles de parisiens, il est
écrit "Sortie". Allez savoir pourquoi ! Un jour, peut-être, j'écrirai
un livre sur les moeurs parisiennes, ça me fera quelques épisodes
savoureux...
Bref, nous prenons la sortie "porte de la Villette" (en tournant ainsi
ma phrase, je me ferai comprendre à la fois des parisiens et des autres
humains), et cherchons avidement les panneaux indicateurs "Pique-Nique
de Cartables.net". Ce n'est pas facile à voir quand on conduit, mais je
pense que c'est par là.
Tiens ? Un feu rouge. Je m'arrête donc, respectueux du code de la
route. Ah, le feu est vert, je peux rouler, foncer même pour prendre "à
la parisienne" ce joli rond-point qui fait au moins 300 mètres de
diamètre. Mais pourquoi Sally ferme-t-elle donc les yeux ?? Horreur !
Y'a des voitures qui déboulent de partout... Encore un gag des
parisiens : ils mettent des feux à leurs ronds-points, mais ils
deviennent tous verts en même temps. Enfin, sympa les copines autos,
elles n'ont même pas klaxonnées, juste freiné un peu... et sans abîmer
ma Sally, ni la carrosserie.
Voyons, c'est pas tout droit cette fois. Après ce joli rond-point, il
faut trouver une place. Bien discipliné, je suis les indications "P" de
couleur bleue, en espérant qu'un mauvais gag parisien ne m'indique pas
la Police, ou le Péage, ou encore le Pouletdrome (pour les courses de
poulet... non, non, c'est pas la même chose que la Police). Ouf, nous
voici dans l'entrée du Parking de la Villette. Mais pas ouf, un gars
bien sapé nous arrête déjà. Réflexion faite, on va peut-être se trouver
une place à l'extérieur, un mercredi du mois d'août ? Allons, juste un
tour dans le quartier. Je vois Sally qui attrape déjà des sueurs
froides lorsqu'il faut rejoindre le fameux rond-point désormais nommé
"rond-point de la mort" (âmes sensibles, tremblez !). Pas de place. Ah,
si, là-bas, Sally, j'en vois une. Non, c'était une entrée. Là, une
grande ! Non, pour handicapés. Je m'excuse à l'avance auprès de Sally,
va falloir reprendre notre rond-point pour revenir au parking du
gars... Et là, miracle, le feu est vert, et nous sommes les seuls à
tourner ! Les services de la DDE auraient-ils signalé à tous les
automobilistes du quartier qu'il fallait éviter notre itinéraire à ce
moment précis ? Je l'ignore. Résultat de la manoeuvre, nous revenons
face à notre P bleu, et rentrons dans les arcanes d'un magnifique
parking souterrain, digne des plus grands films d'action américains.
Bon, pas beaucoup d'action dans ce parking, on s'y est juste garé. Je
sais, ce n'est pas très original, mais que voulez-vous, ce n'est pas
mon genre d'inventer des aventures qui ne nous sont pas arrivées. Si ça
peut vous faire plaisir (ça le fera à Sally), j'ai pas appuyé sur le
bon bouton de l'ascenseur qui nous faisait remonter (piétons) à la
surface, alors qu'elle, elle a trouvé le bon. J'ai bien fait de
l'emmener quand même, j'aurais raté tout le pique-nique à attendre mon
ascenseur qui n'était pas appelé.
Ouh là là, mon petit coeur commence à palpiter, nous approchons de la
Géode, grosse boule brillante, lieu de notre rendez-vous ! Il n'y a
qu'un bâtiment à traverser, et nous y sommes... Tiens, il y a un mot
sur cette porte, voyons-voir : (en substance) "Pour des raisons de
sécurité, le personnel de la Cité des Sciences vous demandera d'ouvrir
vos sacs afin de procéder à une vérification de leur contenu".
On se regarde Sally et moi, et pensons la même chose : que vont-ils
dire avec nos tartes, quiches, chips, et surtout bouteilles diverses
(moi quelques bières, et elle sa fiole d'elixir magique, très
douteuse... S'il y avait une terroriste dans le parc de la Villette à
cette heure-là, ça ne pouvait être que celle qui portait une bouteille
de cette forme-là !).
Nous prenons donc notre courage à deux mains, les sacs et les
bouteilles des 2 autres (oui, je sais, j'ai déjà fait ce jeu de mot,
mais c'est pour ceux qui l'avaient oublié), et nous décidons de faire
le tour de cet énorme bâtiment que nous aurions mis 2 minutes à
traverser, fouille comprise.
Voilà, cette fois nous voyons la géode, pas d'hésitation. Mais où sont
donc nos cartabliens ?? Là-bas, plus bas, j'aperçois des gens qui
attendent. Serait-ce eux ? Oui, j'ai reconnu Mamouth qui gigote en
blanc au milieu ! Sally, fine tacticienne, décide de lui donner un
petit coup de téléphone. Gagné ! La petite femme qui s'agite là-bas se
calme soudain et se baisse pour fouiller dans son sac. "Ah c'est bien
toi Mam. Dis, on est arrivé avec Jr, on est là-haut, tu nous vois ?".
Cette fois, on ne peut plus reculer. Un troupeau d'instits se dirige
vers nous. Il y a des moments impressionnants dans la vie, lorsque des
effets de masse se dirigent vers vous : la marée montante, des
rhinocéros à la charge, la baignoire qui se remplit jusqu'à votre cou,
les élèves de la collègue qui sortent en récréation... Mais une arrivée
d'instits virtuels, transformés par un forum, en personnes réelles,
c'est très saisissant. Je ne sais pas si à ce moment je n'ai pas saisi
le bras de Sally en lui disant : "protège-moi, ils arrivent", mais si
je ne l'ai pas fait, j'ai du le penser très fort.
Mes craintes allaient-elles être fondées ? N'avais-je pas eu tort de
braver les interdits du tapis de souris Takatrouver (celui où il est
marqué : "ne donne jamais tes coordonnées à un internaute qui te le
demande. Parles-en autour de toi avant de rencontrer en vrai des
personnes trouvées sur Internet...") ? Qu'allait dire Sally si je
partais en courant ? J'hésitais...
(à suivre)
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Re: Je vous raconte notre rencontre IRL de ce 10 août... |
mer 17 août 2005 01:47 |
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(Septième épisode)
Après tout, ce serait trop bête d'avoir fait
tout ce chemin pour m'arrêter si près du but ! Et puis, avec la
rencontre de Sally, j'ai déjà expérimenté ce que pouvait être la
différence, donc je suis rôdé. Si les autres sont encore plus
originaux, je me sauve.
Vous avez peut-être remarqué que j'utilise du masculin pour désigner le
groupe qui est, au moment où je vous parle, occupé à gravir les marches
d'un interminable escalier. Eh oui, c'est une drôlerie de la langue
française, dont la règle, si je me souviens bien, est la suivante : si
parmi une quantité nombreuse de femmes se trouve un Willy, et un seul,
alors c'est le masculin qui l'emporte pour déterminer le genre de la
phrase. Certaines instits qui me lisent doivent penser : la grammaire a
été écrite par des mecs... mais je pense plutôt pouvoir affirmer que
cette règle est assez tordue pour avoir été inventée par une femme
(rappelons-le, à cette époque de structuration de la langue, les femmes
étaient encore respectueuses de la gent masculine).
Mais laissons là ces querelles d'historiens, pour retrouver le sujet qui nous occupe.
Voilà, c'est la rencontre. On s'embrasse. C'est rigolo, je ne les
connais pas tous ces gens... Et pourtant ! Vous m'imaginez dans le
métro embrasser les 14 premières personnes qui auraient monté
l'escalier ? Y aurait des barbus, des odorants, des pressés... Là,
curieux hasard, y'a que des instits. Mais vous dire si ils sont barbues
(là on va le mettre au féminin pour faire rigoler Siou), ou s'ils
sentent mauvais... c'est un autre débat. Allez donc voir les photos,
vous serez renseignés assurément.
Votre attention, il faut que je vous raconte quelque chose de dangereux
lorsque vous embrassez quelqu'un qui n'est pas de votre région : il
faut savoir, qu'en France, on n'embrasse pas de façon égalitaire
(malgré notre devise nationale...). La liberté et la fraternité, ça a
du sens dans les embrassades, mais pas l'égalité. Oh non, je ne vous
parle pas d'une égalité mathématique : tout le monde sait bien qu'on
embrasse ici une fois, là 2 fois, dans cette région 3 fois, chez ma
collègue Edith 4 fois, et même à certains endroits 6 fois (faut bien
prendre sa respiration avant de commencer). Concernant le nombre, une
fois qu'on est lancé, la fin importe peu ; non, je vous parle d'un
phénomène beaucoup plus grave - vous l'avez peut-être deviné entre mes
lignes - et je vous livre cette évidence sans ménagement : en France,
tout le monde ne commence pas à embrasser du même côté !
C'est très difficile, quand on est seul face à son ordinateur, de
trouver le sens qu'on utilise... Mais après avoir embrassé 5 fois mon
écran, je crois pouvoir dire que dans le Nord, nous commençons les
embrassades par la gauche. Je décompose le mouvement : les deux
embrasseurs avancent leur visage respectif vers la gauche de celui
qu'ils ont en face, et chacun reçoit donc une accolade bisouteuse sur
sa joue droite ; puis ils recommencent dans l'autre sens (vers la
droite, pour viser la joue gauche). Essayez avec votre écran, ça fera
rire ceux qui vous observent...
Eh bien dans certaines régions reculées, on commence par l'autre côté.
Avouez que c'est très gênant, car souvent, dans la précipitation,
chaque embrasseur, présentant la même joue, se rend compte qu'il faut
changer de sens, et c'est l'accident : on se cogne le nez, on se touche
la bouche (ma pauvre inspectrice qui venait de l'Isère, où l'on
embrasse à l'envers, s'en souvient), on se percute les mentons... J'ai
connu des personnes qui ont failli en souffrir, de ces chocs trop
violents. Alors imaginez quand 14 personnes doivent embrasser 13 autres
individus (on ne s'embrasse pas soi-même) : si la moitié embrasse à
l'envers, quel temps perdu à se cogner et à se tromper !
Cette première difficulté (s'embrasser) étant
franchie, nous décidons de rejoindre l'aire de Pique-Nique.
On la reconnaît facilement, il faut de l'herbe, de l'ombre, et à
manger. Pour l'herbe, c'est là-bas, pour l'ombre c'est ici, et pour la
nourriture, c'est dans les sacs.
Nous voici donc installés en joli cercle, digne d'un cours de géométrie
des instits de cycle 3, autour de plats et d'assiettes multicolores,
dignes des créations d'Art Plastique du cycle 1. Quant aux enseignants
de cycle 2, ils s'installent eux aussi, risquant de se mélanger aux
autres...
Souvent, au début des réunions pédagogiques, il y a quelqu'un qui prend
la parole pour dire comment ça va se passer (le même qui prend la
parole à la fin pour nous redire comment ça s'est passé). Et là
merveille : aucun casse-pieds ne prend la direction des opérations !
Au contraire, une personnalité se détache déjà par sa célébrité : j'ai
nommé Valé. Eh oui, on l'avait annoncé sur France Info et sur Radio
Cité : Valé avait réussi à reconnaître, selon des sources fiables, tous
les membres présents au pique-nique. Ah, je savais qu'il y avait un
privilège à être modérateur, mais j'ignorais qu'ils tenaient un listing
détaillé sur chaque membre... Méfiez-vous de votre écran, nos
modérateurs nous surveillent : on voit même les deux petits yeux entre
les heures et les minutes de l'horloge windows (pour les lecteurs sous
Macintoch, merci de lire "apple" à la place de "windows").
Alors à mon tour, je vais tenter de reconnaître tout le monde.
Cette star aux lunettes de noires à côté de moi, c'est trop facile,
elle vient aussi du grand nord, c'est Marylène. Ça ne serait pas le
lieu ici de raconter toutes les folies qu'elle entreprend lorsque sa
ville vibre aux sons du Carnaval, ni les astuces qu'elle doit déployer
pour pouvoir obtenir quelques minutes d'utilisation de son ordinateur,
squatté par de belles grandes filles (enfin j'imagine qu'elles sont
belles avec une maman comme ça...) (oui, on me l'a déjà dit, je sais
parler aux femmes...). En tous cas, c'est elle qui a apporté le dessert
le plus chocolaté et le plus beurré qu'on puisse trouver au nord de
Perpignan : les "doigts de Jean Bart" !
Astucieuse la Marylène, elle savait bien qu'en nous offrant ce genre de
gourmandise, on allait parler un peu de sa ville. On apprit donc ce
jour-là que Jean Bart se prononçait [jan bar], et non pas [jan barteu]
comme le disaient les filles du sud... et qu'accessoirement, c'était un
grand corsaire qui avait sauvé un truc un jour... Depuis, chaque année,
dans toute la France, mais surtout autour de Dunkerque, on chante
l'hymne à Jean Bart chaque week-end de janvier à avril.
Mais, suis-je étourdi ? j'ai commencé par le dessert, ce n'est pas
logique. Revenons donc à l'entrée fraîche : Aurore. Euh, je parle de
ces melons... Enfin, euh, vous m'avez compris, n'allez pas lire dans
mes propos quelques pensées triviales dont je n'ai même pas l'idée !
Vous avez certainement lu les aventures d'Aurore dans le métro. C'est
un best-seller de l'été (les aventures de Martine, ça ne se vendait
plus assez bien). J'ai d'ailleurs trouvé la réponse à une question que
je ne m'étais pas posée : pourquoi Aurore avait-elle pris le métro ? Je
pense pouvoir affirmer, sans hésitation, que c'est après avoir lu mes
mises en garde sur les dangers du périphérique parisien qu'elle a
décidé de ne pas prendre l'auto. Vous le savez maintenant, le
périphérique, c'est un piège. Et encore, je ne vous ai pas parlé de la
différence subtile entre "périphérique extérieur" et "périphérique
intérieur". Je pensais que l'un servait à rentrer dans la ville,
l'autre à en sortir... Pas du tout ! C'est juste une question de sens
pour tourner. Sur le premier, on tourne dans le sens inverse des
aiguilles d'une montre, sur l'autre dans le sens inverse du sens
inverse, et sur les deux, on y roule à droite. Il faut donc être
sacrément bien latéralisé pour maîtriser ! Ainsi, je comprends
tout-à-fait qu'une pauvre fille venant d'un département comme le Gers
préfère le confort du métro à la rudesse du périphérique... Elle
n'aurait peut-être pas compris son sens de fonctionnement.
Ma pauvre Aurore (si tu as osé lire jusqu'ici), je plaisante bien sûr.
Et j'espère bien que mon lecteur aura compris que toute ressemblance
avec des personnes ou des faits ayant vraiment existé serait totalement
fortuite. Ce qui m'enchante, c'est de savoir que tu as mis, comme le
dit la pub, un peu de douceur dans ce monde de brutes, par le parfum
suave des melons chatouillant les narines inhabituées des tubistes
parisiens (le tubiste est au "tube" ce que l'automobiliste est à
l'automobile). Fin de l'aparté pour Aurore (comment, des indiscrets
auraient lu ces lignes ?! Certainement des curieuses, encore...).
Continuons le tour de table. Même si la table est basse...
A côté d'Aurore, je vous présente Siou. A moins que ce ne soit Aurore
qui soit à côté de Siou ? Peu importe le sens pourvu qu'on ait
l'ivresse (bah oui, ça donne la tête qui tourne tout ce monde en
rond...). Voyons-voir, qu'y a-t-il au fond de son sac ? Ah non,
j'aperçois des petites choses qui ressemblent au dessert. On va donc la
garder pour plus tard, notre grande Siou.
C'est donc du côté de l'entrée non sucrée que je me tourne : Willy, en
parfait modérateur, et en homme de la maison, a déjà réquisitionné Isab
et IsabelleSams, et leur distribue de façon énergétique les tâches :
toi, tu prends l'assiette de ce côté, toi, avec un couteau, tu tranches
verticalement le cake sans abîmer les olives, moi, je pose trois
tomates-cerise et je fais passer vers la gauche. Je me coyais soudain
dans une émission de télé-réalité, avec des candidats apprenant à faire
un beau pique-nique. Mais non, pas de caméras dans les environs, Willy
assure simplement sa réputation de modérateur intransigeant.
Personnellement, je n'ai eu que 2 tomates-cerise dans mon assiette,
mais malgré ma grande détresse, je n'ai rien osé dire, de peur que le
public n'élimine l'une des deux candidates... J'ignorais qu'il fallait
s'appeler Isabelle pour participer aux émissions de télé-réalité de
Willy.
Bon, me voici avec une assiette dans la main, deux fourchettes en
plastique dans l'autre, tout cela a l'air délicieux ! Et comme ma maman
m'a toujours dit de ne pas parler la bouche pleine, je vais me taire un
peu le temps de finir mon assiette...
(à suivre)
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