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 *** LE FEUILLETON DE L'ETE*** : la rencontre IRL du 10 août... (2005)


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*** LE FEUILLETON DE L'ETE*** : la rencontre IRL du 10 août...  mer 10 août 2005 21:27 Message suivant
Jean-Roch
Bonjour à tous,

Alors, tout d'abord, en cliquant sur ce fil, vous vous êtes certainement demandé : mais qu'est-ce que c'est IRL ?? In Real Life, "en vrai", c'est ce qui nous est arrivé aujourd'hui ! Cartables.net existe, je l'ai rencontrées (l'accord est correct, la lettre l apostrophe désignant des membres en majorité féminine...).

Mais revenons au début si vous le voulez bien.
Vous lisez encore ? Ah, justement, je suis sur les vieilles marches d'une petite maison de Vézelay (Bourgogne) en train de lire un polar pour ado (les vacances me font rajeunir). Mince, déjà 13h30, on a pas encore mangé, et Sally m'attend à 15h et à 120 kms de là.
Ouf, l'heure de l'apéro. Ah je ne vous ai pas dit (vous lisez encore ??), on n'est que mardi. Faut se situer, n'est-ce pas ?

Donc disais-je, il est 13h30. Et comme chacun le sait ici, 13h30, c'est l'heure de... mais non Sally, pas l'heure de la rentrée des classes, je sais que tu es impatiente, mais l'heure de la ... de la... de l'apéro !
Allez zou, on va accélérer un peu, sinon je vais perdre des lecteurs en cours de route (mais y en a-t-il encore ?).
Apéro donc, et petit coup de fil poli à Sally pour prévenir d'un éventuel retard. "T'inquiète pas, on a le temps". Parfait, je peux me resservir...

Départ un peu après 15h, mon heure de retard habituelle est respectée. Dernier regard sur les vieilles pierres, bye bye la famille et les jeunes, direction tout droit, vers le haut, un peu à gauche...
Facile, Sally elle m'a indiqué la route, je ne devrais pas me perdre. Sur l'A6, ça roule tout seul (normal pour une "auto-route"), sauf qu'à la sortie ils ont voulu me faire payer... j'ai du oublier de mettre une pièce dans le parcmètre sur l'aire de repos....

Bref, je sors à la sortie suggérée (admirez l'assonance), puis m'enfonce timidement dans la brousse sallienne (comprenez la campagne de Sally). Le plan est parfait, et plus j'avance, plus la route se rétrécit. Une frayeur au passage : ma jauge d'essence qui vient de se mettre à hurler, en voyant le paysage désertique dans lequel je m'enfonce. Il n'est pas trop tard pour faire demi-tour. J'hésite. Allez, je fonce, au pire, on siphonnera un peu du réservoir de la mobylette du paysan du coin, ça fera quelque chose à raconter sur Cartables.

Après un petit tour inutile dans le village voisin, j'arrive au "bout du monde" (cette expression n'est pas de moi... et provient certainement de quelques BD dont j'ai déjà parcouru les pages). Oh, pourtant pas de marais, ni de brumes, juste de magnifiques platanes (croyez-moi sur parole, je ne connais pas les arbres), et au loin, LE bâtiment rose.

Car je ne vous ai pas dit, Sally elle est sympa : pour me faciliter la tache, elle est venue habiter au-dessus de l'école. Facile. Demi-tour... Le voisin d'en face me regarde bizarrement, les étrangers ne doivent pas être fréquents. D'ailleurs, il est même rentré le dire à sa femme. Sûr que si vous allez à la boulangerie des villages voisins (je sais, c'est une idée étrange, mais qui sait ?), vous entendrez certainement parler de ma venue...

Me voici devant une grille fermée. Ah. Que faire. J'ai déjà fait des jeux comme ça sur Internet. Coincé devant une porte fermée.
Je clique... enfin j'essaie la poignée. Tiens ! ça s'ouvre... Trop facile le début du jeu, certainement pour m'encourager à poursuivre.
Je referme délicatement pour le prochain joueur. Deux solutions s'offrent à moi : aller à gauche ? Rien d'intéressant (mince, j'appris plus tard que c'était la classe de dame Sally, j'ai été trompé par mon instinct). Aller tout droit ? C'est marqué "mairie", donc certainement un piège (je m'y connais en politique). Je choisis donc une troisième solution, pas évidente : prendre vers la droite, direction une autre grille.
Mince, certainement qu'il faut trouver la clé quelque part. En m'y dirigeant, je cherche : pas de paillasson, des petits cailloux par terre, mais rien de plus. Et un soleil presque éclatant. Bon. J'essaie quand même, tant pis je fouillerai la mairie si j'ai besoin d'une clé. Main timide sur la deuxième grille : chance ! ça s'ouvre encore !

Me voici dans une cour de récréation. Première observation : il n'y a pas d'élève. C'est bien, je vois que les dates des vacances arrivent donc bien jusque dans cette campagne reculée.
Ah, je vois à l'extrémité du bâtiment une porte ouverte. Certainement un piège. Allons, je ne vais pas me laisser perdre si prêt du but. Il me faut trouver une sonnette certainement, ils connaissent peut-être ça ici. Je choisis donc de me diriger vers l'autre extrémité du bâtiment. Ah ! Un interrupteur. J'essaie : rien. Bon, j'ai du allumer les lumières de la salle des fêtes, alors j'éteins, faudrait pas épuiser les réserves énergétiques du village.
Me voici donc vaincu ? Je regarde dans ma trousse ce qu'il me reste comme objet à utiliser : un ticket usagé de péage. Pas très utile dans cet endroit. Mes clés de voiture : inutilisable, je ne peux pas cliquer dessus. Un téléphone portable : j'appuie, ah, ça fonctionne !
"Sally ? Euh... je suis devant une porte ouverte, dans ton école" (enfin j'espère) "et je ne sais pas où aller"...
J'espère qu'elle ne va pas me répondre sur le Bavardage de Cartables, je n'ai pas mon ordi sur moi.
Ah ! Une fenêtre s'ouvre. Il servait donc bien à quelque chose ce téléphone... J'aperçois vaguement une chevelure là-haut (pas sur la montagne), et une voix qui me lance le meilleur indice de ma partie "monte l'escalier, ça va aller !".

C'était donc par-là ! Vite, je monte, heureux d'arriver bientôt à la fin du premier niveau (et au début du premier étage).
Me voici seul devant une porte. Des bruits. Des cris. Des pas. La porte s'ouvre... et

à suivre au prochain numéro Smile

Jean-Roch

Re: Je vous raconte notre rencontre IRL de ce 10 août... jeu 11 août 2005 02:31 Message précédentMessage suivant
Jean-Roch
(suite de l'épisode 1)

... me voici arrivé au début de l'aventure !
Avant de rencontrer ces drôles de cartabliens à Paris, je devais affronter le premier niveau : Sally et sa tribu.

Embrassade de rigueur (en tout bien, tout honneur), j'ai à peine mis le pied sur le territoire sallien qu'une horde de monstres sanguinaires se jettent sur moi ! Ah les vicieux, ils m'attaquent par le bas. J'étais pourtant prévenu que Sally élevait des dragons, des pixies et des pondeurs de clous de girofles... mais c'est mon regard haut qui m'a trahi ! Mes mollets sont déjà certainement en sang, je vais perdre la vie et devoir recommencer la partie.
Courageux, je baisse les yeux. La vue ne trompe pas : 3 créatures m'assaillent chacune leur tour, reprenant certainement quelque elixir entre 2 coups de griffes... Ils sont velus, chauves par endroits, et même aveugle m'apprendra Sally plus tard (certainement la difficulté de s'adapter au climat de notre planète)... mais quels sont ces êtres qui vont me repousser dans les fonds des greniers d'une école pommée au fond d'une région dont je ne soupçonnais même pas l'existence ?!

"Ils sont vieux les trois chiens" me dit-elle pour me rassurer. Me voilà donc fixé sur l'identité de mes assaillants ! Ont-ils déjà participé à un quelconque scénario de bataille médiévale, je l'ignore. Tout ce que je sais, c'est que j'aurais du protéger mes mollets par une armure anti-griffes... Heureusement, j'ai trouvé rapidement le moyen de leur lancer un sort hasardeux (une caresse sous le menton et une petite tape sur le dos) ; ils se sont déjà calmés. J'ai toujours été convaincu de la force de la non-violence sur les créatures inquiétantes.

Ah, des compagnons là-bas ! A vrai dire, y'a du monde chez Sally. Je ne sais pas qui sont ces gens, certainement des passants. Justement, elle me le confirme : celui-là, par exemple, il est resté accroché au papier-peint dans sa chambre, alors il y reste... M'enfin, il est assez décollé pour venir serrer la main. Tiens, un fils aussi. Les cheveux longs (qui font des boules paraît-il...).

Là, je sens que c'est le moment calme du jeu : pause (ctrl+P) coca, discussion de la pluie et du beau temps (enfin, surtout du beau temps). Je me risque à faire part de mes inquiétudes concernant mon manque d'essence, mais une pompe semble exister dans la ville voisine. Ouf, les craintes d'emem sur le sort du réservoir de nos amis paysans sont effacées (ça, c'est pour ceux qui suivent...).
Le bout du monde aurait-il donc une issue ? L'infini prolongeait-il l'aboutit ? Bon, ce sera pour le prochain débat philo à la rentrée (ah oui, c'est vrai, je suis instit, et je viens pour une rencontre d'instit... Il est parfois important de replacer le contexte en face de la réalité).

Je te vois, lecteur, impatient de connaître la suite de l'aventure. Eh bien, n'attends plus, la voici :

Après quelques papotages, l'horloge du vieux clocher du village sonne lentement l'heure du départ (non, c'est pas vrai en fait, mais c'est pour créer une ambiance). Le fils de dame Sally se fait houspiller pour les cheveux qui boulent... Je le vois bien dans son regard, il n'ose pas dire à sa mère qu'il préfère ses cheveux bouleux à mes cheveux miteux... Bon, passons ce détail.

Les bagages sont faits : un sac à dos, une tarte à l'oignon et une fiole d'elixir (celui pour ne pas se perdre dans Paris quand on ne sait pas où l'on doit arriver, je crois). Et heureusement, Sally est devenue mon alliée dans la partie, puisqu'elle emporte avec elle quelques objets magiques : des lunettes de soleil spécial conduite-sous-le-soleil, mais aussi un téléphone portable avec sa notice pour trouver la route (mieux que Mappy paraît-il : "c'est tout droit !" dit la voix au bout du fil).

Il est 5 heures. Non, Paris ne s'éveille pas, mais Sally quitte son logis. Les dernières consignes sont données aux domestiques, valets, maires, paysans, passants et créatures à poils du coin. Une dernière vérification sur les fuites dans la salle sous son logis (je pense qu'il s'agit de la grotte de son fameux dragon). Puis nous voici dans mon véhicule inter-départementalaire (ça fait très science-fiction, ça, et tant pis si le correcteur orthographique ne l'aime pas...).

Merveilleux le téléphone magique (et portable !) : Sally m'avoue qu'elle n'y voit rien, que mon moteur fait du bruit, et pourtant nous sommes déjà Porte d'Orléans. Pour les ignares qui ne le savent pas (dont je faisais partie il y a quelques heures), la porte d'Orléans est au sud de Paris. Certes, nous avons traversé des contrées non moins surprenantes que celles que nous allions découvrir, mais cela ferait l'objet de digressions que mes lecteurs supporteraient difficilement (en condensé tout de même : campagne, pompe à essence, campagne, tout droit, tout droit, tout droit, forêt, château (bravo aux connaisseurs qui ont reconnu Fontainebleau), tout droit, "attention à la voiture à droite"...).

Le téléphone magique s'est mis à sonner quelques minutes avant d'arriver à la capitale. Sally, qui doit bien connaître le fonctionnement de ces engins, a déclaré à son guide au bout du fil qu'on était arrivé à proximité des hauts piquets rouges et blancs. "C'est tout droit" a répondu, je pense, la voix au bout du fil magique...

Tout semblait donc se dérouler de façon très rectiligne lorsque soudain, sans crier gare (nous avions fait le choix de l'auto, il était donc inutile de parler de gare...), une sortie surgit de nulle part, pour nous conduire sur un bouchon ! Non, pas le bouchon de l'elixir de Sally, mais celui provoqué par la construction d'un tramway.
C'est bien les parisiens, ça : ils n'ont plus de place au sous-sol pour leur métro, alors ils occupent les routes avec des rails. Bientôt, qui sait, on aura peut-être des métros suspendus. Ah ? ça existe déjà ? Que l'évolution est rapide, décidément...

Il était temps que j'apparaisse sous le bon oeil de Sally, car jusqu'à lors, c'est surtout elle qui avait excellé dans notre cheminement. L'occasion me fut offerte sur un plateau d'argent (ou plutôt un socle de bitume...) : la seule place libre à 50 kms à la ronde semblait être ce petit bout de macadam, entre le P et le T de PAYANT allongé sur la chaussé. Il me fallait donc prendre mon courage à deux mains, mon volant des deux autres, et mettre le levier de vitesse sur la marche arrière avec la cinquième main, pour tenter ce défi qui me conduirait assurément à l'étape supérieure.
Frissons. Sueurs froides. Sally, l'oreille à son téléphone avec son mystérieux interlocuteur (certainement l'informaticien qui gère les passages au niveau supérieur...) décrit la scène avec passion : "Bah, oui tiens, c'est pas grand ici tu sais. Bah, il essaie, ça va pas rentrer. Oh là, moi je n'aurais pas pu m'y risquer". Vous le croirez si vous le voulez, et au diable ceux qui penseront que cette partie de mon résumé est romancée, mais j'ai réussi ce défi les doigts dans le nez (ceux qui ont compté le nombre de mains utilisées pour la manoeuvre comprendront que cette dernière expression est à prendre au sens figuré).

Cette victoire allait, aussi surprenant que cela puisse paraître, me propulser directement au niveau 9 de la partie.


(à suivre)

Jean-Roch





Re: Je vous raconte notre rencontre IRL de ce 10 août...  jeu 11 août 2005 07:11 Message précédentMessage suivant
Christelle B
Moi aussi j'peux raconter? ça va être plus court hein!

Déjeuner, lavage, pomponnage avec du maquillage, démarrage, arrivage, bavardage (avec Valé, pui avec Isab) re-démarrage, re-arrivage, flipage, rencontrage, pique niquage, photographiage, aurevoirage, rentrage.


Ta mission JR, si tu l'acceptes, est de replacer tout ces mots dans ton futur récit.

Je suis curieuse de voir comment il va replacer "pomponnage avec du maquillage" eh eh!!Wink


Christelle B

Re: Je vous raconte notre rencontre IRL de ce 10 août...  jeu 11 août 2005 23:16 Message précédentMessage suivant
Jean-Roch
(troisième épisode)

Ah, Paris !
C'est quand même remarquable cet acharnement qu'ont eu les personnes qui ont construit cette ville pour cacher tout coin de nature : tout est recouvert de macadam, de murs, d'immeubles, de tours géantes ! Même là où l'on croit trouver un petit endroit d'herbe fraîche, par exemple près d'un arbre, des parisiens sont passés par là pour enfermer les racines et la terre sous de lourdes grilles... Paraît-il que c'est pour permettre aux chiens de se soulager. Je pense plutôt que c'est pour éviter que la nature ne reprenne ses droits. Imaginez Paris qui redeviendrait comme la France profonde des provinciaux.
A ce propos, j'observe discrètement Sally : le passage du désert naturel à la ville artificielle ne semble pas avoir d'effet sur son organisme. Ah, j'ai compris, elle a sous le bras sa bouteille d'elixir magique (alors que, soit dit entre nous, la tarte à l'oignon est restée dans le coffre... Certainement aucun effet magique).

Nous voici au pied de la tour où nous devons trouver une auberge pour la nuit. Le fils, certainement plus habile que les vieux instits qu'il traîne derrière lui, clique vigoureusement sur un bouton qui nous conduit directement devant un ascenseur. Voici donc le fameux raccourci du jeu : accès direct au niveau 9 (nous aurions pu monter directement au niveau 12, mais nous ne sommes pas des petits joueurs).
Là, Sally fonce sur la porte de l'aubergiste, qui s'ouvre. Quelle tactique allait-elle trouver pour demander le gîte ? De quel charme allait-elle jouer ? C'est à ce moment que je compris que j'avais devant moi une collègue très forte : d'un geste leste et gracieux, elle embrasse l'aubergiste, qui aussitôt, nous laisse entrer, nous et nos besaces. J'ignorais que ce rituel faisait office de mot de passe à l'entrée des auberges, mais je me félicitais d'avoir laissé entrer Sally en premier.

L'auberge est indescriptible en terme de mètres carrés ou de décoration, mais l'ambiance qui y règne me rappelle un peu celle de la place de mon village d'enfance (je vous la décrirais bien, mais je m'efforce de m'en tenir à l'essentiel).
Si j'ai bien compris, Paul habite là avec Jacques, Robert et Samantha. Seulement, José qui s'est disputé avec Maria ne veut plus voir les tableaux de Marguerite, et c'est donc pour ça qu'ils ont passé la journée à déménager. Cependant, on me trouvera certainement une place pour la nuit, mais faut surtout pas parler à Priscilla, ni déplacer le cendrier d'Etienne. Toutefois, si je trouve le téléphone de Fabrice, je peux avertir Mireille... Ne me demandez pas plus d'explication, je n'ai pas tout saisi (et vous comprendrez que pour garantir l'anonymat de Paul, Jacques et Robert, les visages ont été volontairement flouté sur ce récit), mais je suis, en fin de compte, ravi de me trouver au milieu d'un endroit tellement vivant !

Petite pause nécessaire. Bidibip !
"Allo ? Oui ! On est arrivé. Ah, vous êtes déjà devant Beaubourg ? Bon, on est à l'appart. Quoi ? Bah, dans une demi-heure...". Eh oui, c'était Mam et Armelle (car figurez-vous, elles n'existent pas que sur le forum) qui nous attendaient déjà pour le resto du soir.
Une grosse heure plus tard, nous voici à nouveau revenu au niveau zéro, au volant de mon bolide transformé pour l'occasion en taxi parisien, direction le centre Georges Pompidou. Je n'y connais pas grand chose en histoire, mais ça doit être un plombier ce gars-là, ou un truc comme ça, vu sa baraque. Mais un plombier connu, hein, pas M. Mortezo le plombier de mon village d'enfance (ah, je pourrais vous en parler aussi de c't'homme...) : des tuyaus géants sortent du sol, des plus petits font bouger des trucs en papiers mâchés colorés (j'ai déjà vu ça dans des classes de maternelle... certainement encore un artiste qui a copié) avec des jets d'eau qui font actionner l'ensemble. C'est très joli, et pleins de japonais prennent des photos (je vois le lecteur habile qui sourit en se disant : il exagère le Jr avec ses japonais et leurs photos... J'avoue : ils ont aussi des camescopes numériques).

Mon coeur commence à palpiter : là, au bout de ce bassin en papier mâché coloré, au lieu dit "Dame Tartine", je vais retrouver deux éminents membres du forum de Cartables : Mamouth-resse, dont j'ai déjà vu la photo clignotante dans son profil, et Armelle, dont je ne connais que la chantante voix (prononcer : "chane tane teu voi"). Une envie irrésistible me prend de crier quelque chose du genre "ohé, les instits de Cartables, levez-vous, et tous ensemble nous prendrons un repas bien mérité", mais un doute m'assaille : n'y aurait-il pas quelques membres rusés, à l'image de béa et de Madmiask, qui, sur leurs privilèges de modération et d'administration, nous auraient suivi jusqu'ici, et profiteraient de ma fougue et de mon empressement pour s'inviter à notre table ?!

Sally a compris le sens de ma quête, elle qui connait déjà Mam pour avoir fait quelques petits jeux dans la nuit profonde des bois voisins (vous pouvez me torturer, je n'en dirai pas plus). Compréhensive, elle me laisse quelques mètres d'avance pour trouver de mon propre chef les deux personnes qui nous attendent depuis 114 minutes.
Me voici au milieu de chaises et de tables, où des touristes, certainement internautes, s'empiffrent de bonnes choses. Alors voyons voir, je cherche une fille qui clignote et une autre qui parle. Et si je suis logique dans mon raisonnement, elles devraient avoir réservé quelques places à leurs côtés. Bonne astuce ! Les places vides sont rares.
Mes yeux s'arrêtent sur un premier couple. Non, l'homme ne ressemble pas à une femme, je passe. Quelques pas plus loin, deux filles. Je tends l'oreille... je n'entends pas bien l'accent de la deuxième. Mmmmh, non, c'est un accent aigu.
Encore un peu plus loin, je me trouve devant Dame Tartine (c'est pas une dame en vrai, c'est un restaurant ; moi aussi d'ailleurs j'avais cru qu'on allait chez une copine à Sally quand elle m'a dit "on va chez Dame Tartine"...) : encore des tables, avec des gens. J'avance : celle-là, pas une tête d'instit... Celle-là elle est jolie mais elle est toute seule, alors ça peut pas être Mam (le "alors" est en opposition à "toute seule", et non pas à "jolie" comme certains esprits malicieux auraient pu le penser).
Et soudain, je me retourne, tout le monde est là : un flash de déjà-vu, ou déjà-vécu, me traverse l'hémisphère droit de mon cerveau. Très vite les déductions s'enchaînent : non, ce n'est pas une actrice de cinéma ; pas une chanteuse non plus ; c'est pas ma directrice ; une cousine ? non, elles n'aiment pas les tartines... J'y suis ! je vois deux visages que j'ai déjà aperçu sur un forum Internet. A nouveau les déductions se suivent : c'est pas le forum des plombiers de M. Mortezo, pas non plus le forum des éleveurs de poule d'eau (une récente passion), ... Je sais ! J'ai vu ces visages sur une photo dans le message #41047 (que voulez-vous j'ai une bonne mémoire) du forum de Cartables.net (c'est un super site d'instits, si vous ne connaissez pas, je vous en parlerai un jour), mais sur cette photo, y avait un grand blond chauve entre les deux... Je cherche le blond chauve, mais pas de trace. Il est peut-être parti chez le coiffeur ?

Je me risque. Je m'approche de la brune que je pense être Mamouth-resse. Si je l'aborde en disant : "bonjour, t'es bien Mam ?", je risque de passer pour le plus mauvais concepteur de plan pour aborder les filles... Et si je lui fais "Salut, je m'appelle Jr, j'ai 20 ans et j'ai une belle voiture", je risque de trahir mon identité.
Les idées vont très vite... J'ai trouvé ! J'ai remarqué un petit briquet à ses côtés : je vais donc lui demander du feu, comme ça, elle ne pourra pas me reconnaître puisque je ne fume pas. En fait, je ne sais plus si j'ai renseigné dans mon profil sur Cartables la case "je fume - oui - non", mais dans le doute, je préfère ruser.

Je m'approche donc. Ne tremblez pas lecteurs... Je toussote intérieurement, prépare ma phrase dans mon hémisphère gauche (l'autre est encore occupé)... Ne pas me tromper. Faut pas lui demander "asv" ou "t'as quoi comme connexion", mais bien lui demander du feu. Mince, j'ai pas la cigarette. Tant pis, je vais lui faire croire que c'est pour mon amie Sally qui est à l'autre bout de Paris.
Voilà, je la regarde. Oups, elle m'a vue, c'est sûr, elle m'a déjà reconnu. Mince, elle me le tend son briquet. Elle n'est même pas sur la défensive (les mammouths ont-ils des défenses ?). Et là je fais quoi ? Je m'en vais rouge de honte, je scanne le briquet de retour chez moi et je balance un post sur le forum, intitulé "j'ai rencontré le briquet de Mam" ... ou je m'avoue vaincu et lui décline mon identité ?
Le sort des jours suivants est entre mes lèvres...


(à suivre)


Re: Je vous raconte notre rencontre IRL de ce 10 août...  ven 12 août 2005 16:23 Message précédentMessage suivant
 sally
En relisant ce fil, je me dis que si j'avais été le jr, je me serais posé plein de questions angoissantes sur la nana que je trimballais !


Sally

Sachant qu'une tartine de beurre tombe toujours du côté beurré et qu'un chat retombe toujours sur ses pattes, de quel côté tombe une tartine de beurre solidement attachée sur le dos d'un chat???

Re: Je vous raconte notre rencontre IRL de ce 10 août... ven 12 août 2005 23:27 Message précédentMessage suivant
Jean-Roch
(quatrième épisode)

Ce serait quand même trop bête de faire demi-tour après toutes les aventures que j'ai vécues pour en arriver là ! Je me décide, bravant les influx chimiques qui traversent mes neurones et qui me poussent à dire "fais demi-tour... les deux autres sont peut-être encore plus étranges que Sally... Cartables.net pourrait être un repaire de personnes curieuses qui vont t'emmener à ta perte".
Je craque, et en fixant Mamouth, qui me tend toujours son briquet, je lance un majestueux : "moi, c'est Jean-Roch".

Il aurait fallu entendre le silence qui régna soudain sur la place Beaubourg. Les serveurs s'étaient arrêtés, le plateau en bout de bras, les jets d'eau s'étaient figés sur place, les pigeons s'immobilisaient dans les airs... Le temps de quelques secondes, une rencontre avait eu lieu. C'est quand même magique ces moments-là. On a passé des nuits et des soirées ensemble sans se voir, seulement par clavier interposé, et voilà que je leur parle de vive voix. Je ne peux plus me cacher derrière un smiley, ou fuir derrière une déconnexion impromptue.
J'ai face à moi deux paires d'yeux qui m'observent tout globuleux (les yeux, pas moi), comme dans les bandes dessinées. Et soudain, un "aaaahhhhhhh" s'éclaire au milieu des deux visages que j'ai, dès lors, l'impression de connaître depuis toujours.
Je n'ai pas encore réussi à interpréter ce "aaaahhhhhhh" : était-ce de l'étonnement, de la surprise, de l'allégresse, du dégoût... Je l'ignore, mais j'en ai dédui qu'elles avaient fait le rapprochement avec le Jean-Roch d'Internet.

Voilà, Sally et son homme nous rejoignent déjà, et les présentations sont vites faites. Armelle s'est équipée d'une amie à elle, certainement pour se protéger des dangers de psychopates éventuels lors de ces rencontres virtuelles. J'y pense d'ailleurs, je n'ai pas prévenu grand monde de mes aventures ; qui saura me trouver si l'une de ces créatures virtuelles (quel compliment !) m'enlève et me fait subir les pires supplices qu'on puisse imaginer ? (je pense à la torture bien connue dans le monde de l'enseignement de la rédaction annuelle et obligatoire du cahier-journal, ou pire, à l'obligation de faire une fiche de prép pour chaque jour de la dernière semaine de l'année scolaire 2005-2006).

Je m'efforce d'être discret. Dans le doute, peut-être m'oublieront-elles. Forcément, ça parle déjà boulot, alors j'imite l'homme de Sally en face de moi : j'écoute sans rien dire, mais en hochant parfois la tête pour donner l'illusion de suivre. Ah ces instits qui se rencontrent, c'est toujours impossible pour leurs hommes. D'ailleurs, de mon côté, quand on se retrouve entre amis enseignants, on met toujours des quotas sur les discussions : pas plus de 15 minutes pour l'école. Bon, pour ce soir, c'est mal parti, je pense que sur Paris, tout est permis.
Soudain, une des servantes de Dame Tartine arrive vers nous, et nous oblige à faire notre choix. Bigre, j'étais tellement occupé à m'efforcer de donner l'illusion de suivre la discussion que j'en avais oublié le menu. On voit que celui en face de moi est plus habitué, il a donné une sensation parfaite d'écoute et il connaît déjà son choix...
Voyons voir ; Tartine au chèvre : certainement pas, ces analphabètes ne savent pas qu'on dit "à la chèvre". Tartine froide aux aubergines provençales : je risquerai de déterrer la hache de guerre entre les provinciaux provençaux et les métropolitains parisiens. Tartine aux moules-frites et à la Leffe : ça me tente, mais je ne la trouve pas sur la carte... Devant tant de difficulté à faire mon choix, je tends donc l'oreille, et je choisis "pareil". C'est facile en fait de faire des choix quand on est nombreux.

"Pareil", c'est du canard. Je pense à la pauvre bestiole qu'il va falloir abattre dans la cuisine. Si ça tombe, à cause de moi, il faudra en tuer deux ! Le canard et la cane... Pauvres orphelins.
Après quelques préparations culinaires savantes, notre servante revient, 15 assiettes à la main (pour servir à Paris, en plus sur la place Beaubourg, c'est sûr qu'elle en serait capable, mais j'exagère un peu sur le nombre...). Mmmmh. Quel bonheur ! C'est la première fois que j'arrive à manger en compagnie de Sally, Armelle et Mamouth sans en mettre partout sur le clavier. Et on n'a même pas du se déconnecter ! En plus, on a gagné du temps, sans devoir se dire : "a+" ou ":kiss:" ou "bon ap"... Faudra qu'on mange plus souvent ensemble, surtout que c'est meilleur chez Dame Tartine que dans mon congélo.

Le repas passe (les japonais avec leurs camescopes aussi), la boisson se savoure (la chaleur du soir aussi), et les cigarettes fument (mon canard aussi). Autour de la table, on arrive à refaire le monde. Je continue à incliner régulièrement la tête, c'est un bon moyen pour ne pas faire d'erreur pour la société de demain. Mamouth parle de tout, avec des grands yeux et beaucoup de théâtralité (faudrait voir les nuits dans les bistrots de St-Etienne), Armelle ne parle pas, elle chante tout le temps, c'est impressionnant (mais comme pour les cigales, je pense que la nuit, elle doit d'arrêter un peu, du moins après le Bavardage), et Sally, toujours égale à elle-même, nous raconte, en fumant son calumet magique, ses rencontres avec les monstres dans des forêts lointaines où des vivants s'enterrent pour mieux ressusciter.
Ce qui me rassure, c'est que j'aurais pu tomber sur des gens bizarres, loufoques, étranges, mais tout va bien, je suis en bonne compagnie !

Je me voyais déjà de retour à notre auberge du neuvième étage, m'endormant aussitôt d'un sommeil réparateur, prêt à affronter la fameuse rencontre du 10 août dont la France entière parlait... Nous étions les derniers sur la terrasse, toutes les tables étaient repliées, j'allais bientôt dormir, et voilà que Mam crie soudain, me sortant de mon sommeil cérébral : "allez, on va continuer la fête, on n'a pas fait toute cette route pour aller au lit" ! "Tudieu", comme dit le philosophe, j'aurais du roupiller un peu plus la nuit précédente. Tans pis, j'ai encore 15 jours de vacances pour faire dodo.

Nous voici donc dans des ruelles animées par quelques troquets et saltimbanques qui troublent la paix nocturne. Je commence à me rendre compte que je n'ai vraiment pas un style de parisien avec mon petit bermuda, mes baskets et mon T-shirt de vacancier... alors que tout le monde autour de moi a mis son costume du soir. Peu importe, je ne suis qu'un personnage virtuel dans un jeu très réaliste : on a bien le droit de porter un short hawaïen derrière son écran d'ordinateur, non ?

La démocratie choisit un pub irlandais, au doux nom de Guiness. On m'a toujours appris, dans les "guides de bonnes moeurs pour enfants sages", qu'un homme doit entrer en premier dans un lieu public, ceci pour éviter à la femme qui l'accompagne que des regards étrangers ne la souillent. Bon, je suis un homme, et y'a trois femmes, alors je me lance. J'imagine déjà l'admiration que je vais provoquer chez chacune d'elle : "quel gâlant homme ce Jr", "quelle connaissance de la bonne société". Mwoui. Sauf que lorsque j'essaie de défier la poignée de la porte qui précède le molosse qui fait office de videur, je n'arrive pas à l'ouvrir. Je m'acharne : que vont-elles penser de moi si je ne suis pas capable d'ouvrir une porte ? Diantre, le molosse à l'intérieur a bougé, il se lève, c'est pour moi ! Ah non, c'était juste pour ouvrir la porte qui était verrouillée. Mais quel est donc cet endroit où l'on enferme les clients ?
Moralité, au lieu de voir entrer dans le bar un beau gars distingué, fier et élégant, on a vu débarquer ce soir-là un p'tit jeune provincial, fringué comme un touriste du dimanche, tout penaud d'avoir défoncé une porte juste fermée à clé...

Mince, le gars a refermé le loquet derrière nous, me voici pris au piège. En plus, on nous a placé les oreilles juste contre la batterie des quelques musiciens qui animent la soirée. Inutile de dire qu'ils animent leurs instruments, mais pas nos discussions... Un petit changement rapide de table nous permet de profiter un peu moins des baguettes du batteur. Mais pour nos discussions, c'est toujours aussi compromis. C'est pas grave, on a déjà refait le monde sur la place Beaubourg, on peut pas non plus faire ça dans tous les quartiers, on risquerait de dire des bêtises.
Le bruit - enfin, la musique - nous permet de savourer nos bières respectives. Eh oui, même Armelle boit, mais elle a pris une "bière de fille", certainement pour nous faire croire qu'elle n'en a pas l'habitude. Elle s'est pourtant trahie : si elle a choisit une bière de fille, c'est qu'elle s'y connait, et si elle s'y connait, c'est qu'elle boit souvent ! CQFD.

Bon, je sens que mes lecteurs se fatiguent sur mes yeux qui se ferment. Je nous fais donc vite sortir du bar, après nos quelques essais à bouger un peu les épaules, taper dans les mains, ou même pousser la chansonnette. Cette fois, devant le videur, je ne fais plus d'erreur, et j'attends patiemment, avec l'air d'un grand habitué, qu'il nous ouvre le célèbre loquet.

Brrrr, il fait presque aussi froid que sur la plage de Dunkerque en plein mois d'août. Heureusement, la voiture n'est pas loin et, après quelques embrassades rapides, nous retrouvons notre taxi.
Je n'ai qu'une frousse, c'est que Sally me dise : "je connais un autre bar sympa avec des troubadours et des éleveurs de dragons", mais rien ; elle me déclare juste, par homme interposé : "c'est tout droit" !


(à suivre)



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Re: Je vous raconte notre rencontre IRL de ce 10 août...  sam 13 août 2005 17:31 Message précédentMessage suivant
Jean-Roch
(cinquième épisode)

Il paraît qu'au mois d'août, Paris est assez calme. Imaginez-donc l'état des routes en plein mois d'août à 2h30 du matin... C'est assez agréable pour la conduite. Moi qui aime justement user de mon clignotant et de mon accélérateur, je m'ennuie presque sur ce long trajet rectiligne, seulement ponctué par quelques feux (je parle bien sûr des feux tricolores... qui ne sont que d'une couleur à la fois ; on les appelle aussi feus rouges, mais je les ai passé au vert. Je me contenterai donc du terme de feu).
Je m'étonne que Sally ne s'endorme pas dans l'auto, mais j'allais comprendre quelques instants plus tard la raison : la soirée n'était pas finie !

En effet, nous voici de retour dans le quartier de l'auberge du neuvième étage. Monsieur Sally, en parfait parisien, me trouve quelques places interdites où je pourrais éventuellement me garer, et déniche, quelques mètres plus loin, un magnifique emplacement sur lequel aucun créneau n'est nécessaire. Une manoeuvre pour la journée, ça aura suffit. Et puis si je l'avais ratée, j'aurais perdu toute ma crédibilité au volant...
Chic, les parisiens sont des gens sympas, ils font payer leur stationnement toute l'année, sauf au mois d'août. Si j'étais eux, je ferai le contraire : gratuité toute l'année, et parcmètre pour les touristes en août. Mais que voulez-vous, je n'y comprendrai jamais grand chose au raissonnement urbain.

Je résume donc : je marche dans le silence d'un quartier de la capitale, toujours en tenue de touriste, avec cette fois une valise accrochée au bras, suivant mes 2 guides qui prennent des raccourcis pour atteindre l'auberge. L'homme de Sally a trouvé au fond de ses poches un talisman magique qui nous permet d'ouvrir chaque portail sans réveiller toute la tour. Je pense à ce moment-là que nous sommes certainement les seuls survivants de la nuit. J'entends presque, à travers les parois de l'ascenseur, les ronflements des visiteurs des auberges du premier étage, puis du deuxième, du troisième, etc...
Sur le palier du neuvième, d'une oreille attentive contre la porte, notre aubergiste nous confie : "c'est encore réveillé là-dedans".
La porte ouverte fait tomber tous mes espoirs d'aller me coucher rapidement : il règne encore dans cet endroit la même ambiance que celle que j'avais trouvé en fin d'après-midi, sauf qu'il y a de nouveaux visages. Ah, le fils est toujours là ! Sally s'indigne, certainement pour me faire croire que ce n'est pas habituel : "Bah, tu n'es pas encore couché, toi, comment ça se fait ?". Question auquel le jeune non-dormeur répond un laconique : "je ne suis pas couché puisque je suis debout". Certes.

Tiens, une nouvelle tête. Cet individu, si j'ai bien compris, vient de rentrer du boulot, et se détent déjà devant l'un des ordinateurs de l'auberge (mais ne serait-ce pas en fait un cyber-café qui fait fonction d'hôtel?). A croire que la journée commence pour lui.
Sally est déjà au bar. Non pas pour reprendre une bière, rassurez-vous, elle n'est pas comme ça, mais pour nous dévoiler le goût secret de la potion magique qu'elle traîne depuis son désert de Bourgogne. C'est vrai, quoi, on en rêve tous, à 3h du matin, après une journée fatigante (la route, les bouchons, la foule, les restos, le froid de la nuit) de passer un bon moment à goûter les essais culinaires. Qui aurait eu l'idée de faire autre chose ?! Comment ? Aller se coucher ? Vous n'y pensez-pas, ce n'est pas à 3h du matin qu'on va se coucher...
A vrai dire, j'aurais eu bien tord d'aller m'endormir. De toutes façons, mon lit étant dans le bar (ils font aujourd'hui des meubles clic-clac très pratiques), je n'avais pas le choix.

Devant Sally, bien éveillée, une bouteille. Mais alors ne croyez-pas voir la forme classique du récipient dans lequel on met le mauvais vin rouge des repas d'hiver chez les petits vieux du bordelais. Oh non ! Cette bouteille a une forme et une apparence directement sorties des meilleures fables moyen-âgeuses que vous puissiez imaginer : une bedaine bien arrondie, enveloppée d'osier tressé, et fermée par un vieux bouchon en liège qui a du voir passer des générations de buveurs de potions (pour ceux qui liraient trop vite, je parlais bien de la bouteille, et non de Sally).
L'individu qui est rentré du boulot a déjà sorti quatre verres, et Sally y verse un liquide parfumé et liquoreux. "Je ne t'en mets pas trop, peut-être que tu ne vas pas aimer". J'imagine toutes les possibilités : soit elle me dit ça parce que c'est excellent, et qu'elle en veut plus pour elle (j'use souvent cette tactique avec mes petits neveux et nièces quand je leur sers des moules-frites). Ou alors, autre éventualité, la potion a l'horible goût des mauvais médicaments que je prennais lorsque j'avais des verrues sous la plante des pieds ou des furoncles sous les aisselles : ça a la même couleur... (mais pour mon histoire personnelle médicale, ça reste entre nous s'il-vous-plaît). Troisième possibilité : cette potion fait partie d'un sort que va me lancer dame Sally, et la quantité prescrite dans son grimoire correspond à la larmichette qu'elle m'a versée ! Je vais ruser : je dirai que j'aime (tant pis pour le souvenir des furoncles) et je casserai ainsi le sort en brouillant l'exactitude des ingrédients !


(à suivre)

Re: Je vous raconte notre rencontre IRL de ce 10 août... dim 14 août 2005 02:23 Message précédentMessage suivant
Jean-Roch
(cinquième épisode bis...)

Le meilleur moyen pour se faire un avis, c'est de goûter. J'attends toutefois que mes compagnons y trempent les lèvres, et après m'être assuré qu'aucune transformation magique n'avait lieu dans l'immédiat, je m'y risque à mon tour.
D'abord l'odeur : c'est parfumé, il n'y a pas de doute ! J'y retrouve des saveurs de meubles cirés de chez ma grand-mère, ainsi que des souvenirs olfactifs des grandes pièces de la maison familiale de vacances où nous allions en Dordogne, sans oublier un étrange rappel des saveurs de certaines lotions contre la perte des cheveux que j'utilisais dans ma jeunesse pour faire pousser plus rapidement mes cils.
Je me risquerai bien à jouer le connaisseur, en remuant le liquide, et en m'émerveillant sur sa robe généreuse et son bouquet velouté, mais je me retiens, il y a peut-être plus fort que moi autour de la table, et si le ridicule ne tue pas, il peut toutefois rendre... ridicule !

Première goutte du breuvage : à peine entrée dans mon orifice buccal, la langue frémit de toutes ses papilles, le palais en redemande au passage, mes glandes salivaires humidifient le lieu pour mieux profiter des arômes... Un petit coup bien placé de mes muscles pharyngés l'envoient rouler dans mon oesophage, qui, réchauffé par le taux d'alcool dépassant la dose permise à cette heure, offre déjà la riche substance à mon estomac qui, oh le veinard, pourra en profiter pendant 2 ou 3 heures, le temps de ma digestion. Vous l'aurez compris : c'est bon ! Et des petits influx nerveux me parcourent déjà le corps pour forcer mes membres supérieurs à conduire le reste du liquide par le même chemin que celui emprunté par la première goutte. C'est beau la mécanique corporelle...
Je soupçonne Sally d'avoir introduit dans son liquide quelques molécules qui donnent une accoutumance, car sans pouvoir faire autrement, j'en redemande. C'est peut-être le début du charme, mais qu'importe : si c'est un liquide destiné à m'envoûter pour mieux me kidnapper, j'espère secrètement qu'un membre du forum de Cartables s'interrogera sur mon absence en septembre. Et si Sally allait raconter que je boudais ? Ou que j'avais déménagé ? J'ai bien envie de lui demander si je peux aller faire un tour sur le forum pour poster un message de secours dans le forum de test... Il est déjà rédigé mentalement : "si vous ne me voyez pas revenir avant 10 jours, merci de contacter les services spécialisés".
Rien à faire ; je suis trop bien sur ce siège de bar, la tête au fond de mon gobelet de verre, enivré par le sortilège.

Dehors, c'est splendide : les étoiles dansent avec les réverbères, les ponts du métro se prolongent en voie lactée, et la rumeur nocturne s'élève avec le chant des sirènes (pas celles qui font pin-pon...). Faut pas vous dire si j'ai déjà trop bu !

Après quelques gorgées dont je tairai le nombre ici, de peur que quelques parents d'élèves ne se servent d'un bas chantage pour obtenir une bonne note au prochain contrôle de leur rejeton, je comprends qu'il est bientôt l'heure d'aller se coucher ! Mais voilà une excellente idée... D'ailleurs, faudra que je retienne, c'est très agréable de boire un coup et de s'endormir après auprès de Morphée (en fait, c'était pas Morphée, c'était le fils de Sally, et j'étais pas vraiment à côté... et puis c'est pas le ronfleur d'à côté qui était agréable, mais simplement le fait de s'endormir... oh et puis d'abord, arrêtez avec vos demandes de détails, il est l'heure de dormir là !).

Avant d'aller faire dodo, je m'offre une petite visite dans les dépendances de l'auberge. C'est luxueux, il y a même une salle de bain féminine ET une salle de bain masculine. Je retiens pour le lendemain, même si j'ai le droit de me tromper ("mais c'est moins pratique chez les filles" me dit-on... Allez savoir ce qu'il y a en moins là-bas ? Pas de prise pour le rasoir ? Trop de flacons de maquillants et de démaquillants sur le lavabo ? La table à repasser en plein milieu ? Je ne le saurai jamais, j'ai oublié d'aller visiter le lendemain).
Bref, ne perdons pas notre temps en considérations inutiles, il est temps d'aller dormir. Un petit passage aux toilettes, rapide (le plus long a été de comprendre que l'interrupteur d'apparence unique était en fait deux minuscules boutons associés, l'un commandant le cabinet, l'autre le couloir : j'ai donc allumé et éteint dix fois le couloir sans comprendre que je faisais la même chose dans les toilettes. Vous n'avez rien compris ? C'est pas grave, moi j'ai réussi à tout faire selon mes besoins, mais après tout, vous êtes bien indiscrets de me suivre jusqu'ici...).

Ah. Me voilà au fond de mon duvet. Je n'ai même pas le temps de me demander comme le capitaine Haddock s'il vaut mieux mettre le menton à l'intérieur ou à l'extérieur de la couette que je suis déjà en train de rêver aux doux visages d'instits que j'allais rencontrer le lendemain !

Des bruits, du mouvement... Y'a une personne de l'auberge qui passe, qui soulève des trucs, qui les remet. Ah oui c'est vrai, je ne suis pas chez moi, ça m'étonnait aussi tout ce remue-ménage. Dehors, des autobus démarrent, freinent, ouvrent leur porte. Mon portable réglé sur le réveil à 9h a peut-être déjà sonné, je ne sais plus. Tiens, une autre tête qui passe, elle m'a dit bonjour. Elle doit se dire : encore un squatter dans cette auberge. Je suis prêt à lui expliquer que j'ai juste suivi Sally, que je suis instit aussi, et que je peux lui montrer mes papiers si elle ne me croit pas, que je vais payer la chambre et ranger les draps, que... inutile, elle est déjà partie. J'ai même oublié de lui répondre bonjour. Quelle idée aussi de s'adresser à des gens en phase de réveil ; à cette heure-là, tous les réflexes ne sont pas encore activés.

Tiens, un portable qui sonne. C'est pas le mien, puisqu'en j'en ai un rouge et celui qui s'agite est bleu. Ah, voilà le type d'hier qui n'a pas dormi vraisemblablement puisqu'il est déjà rentré du boulot de ce matin (faudra qu'on m'explique comment ils vivent les gens du neuvième étage de la tour de l'auberge...).
"C'est à qui ce portable", il crie, le gars qui dort pas. La foule autour ne répond pas. Mais non, c'est pas le mien, le mien il est rouge. Rebelotte, le portable resonne. "Mais c'est à qui ce portable... C'est quelqu'un chez Bouygtel". Ah, je suis chez Bouygtel. Serais-je encore trop endormi pour ne pas reconnaître mon portable ? Mais non, il est vraiment trop bleu celui-là pour que je le confonde avec mon téléphone rouge. Bon, cela restera le mystère du portable bleu (titre de mon prochain roman ?).
Ouf, tant de questions si tôt, ça m'a achevé. Enfin, c'est le grand jour de la rencontre, il faut vraiment que je me réveille.

Le bol de lait est plus fade que le bol d'élixir de la nuit, mais il accompagne traditionnellement mon réveil. Ce n'est peut-être pas très parisien de boire du lait le matin, mais tant pis, un petit moment de honte est si vite passé.
Bon. Le corps est repu jusqu'au prochain pique-nique, je vais donc pouvoir passer à la salle de bain. Attention, faut pas que je me trompe, ceux qui ont suivi savent bien qu'il y a 2 salles de bain ! Je prends donc la porte de gauche, qui ressemble en effet à une salle de bain masculine : baignoire, douche, lavabo. Pas de table à repasser ni de démaquillant plein les armoires. Je ne suis pas très réveillé mais déjà observateur.

Pour le paragraphe qui suit, je demanderai aux jeunes lecteurs de bien vouloir abandonner la lecture, car certaines scènes comportent de la nudité qui pourraient heurter leur succeptibilité. Eh oui, je n'ai pas encore trouvé le moyen de prendre ma douche tout habillé pour les besoins de mes récits. Enfin, par pudeur, tirons quand même ce magnifique rideau de douche. Et comme ça, je ne transformerai pas la pièce en piscine olympique.
Dans le fond, ça se passe bien ici : j'ai bien mangé la veille, bien bu avant d'aller dormir, j'ai roupillé d'une traite, et tous ces gens qui vont et viennent dans l'auberge m'ont l'air très normaux. Cependant, le lecteur averti s'en souvient, il reste une personne à laquelle il ne faut pas que j'adresse la parole dans ce lieu. Mais qui est-ce ? Celle qui m'a servi la veille ? Celle qui m'a salué à la sortie du lit ? Je n'ose pas engager la conversation (enfin rassurez-vous, dans la salle de bain, y'a pas foule).
Oups j'ai parlé trop vite, voilà qu'on tambourine à la porte ! Vite, être présentable, enfin au moins un minimum. Mince, c'est une femme que je pense avoir déjà aperçu. Mais ne sait-elle pas qu'ici c'est la salle de bain des hommes ?! Ou alors l'a-t-elle fait exprès, voulant découvrir mon corps d'athlète (là, je romance un peu, j'avoue). Elle cherche son jean, me dit-elle. Elle en avait déjà un sur elle, mais ça ne devait pas être celui-là. Aimable, j'aide un peu à chercher : rien derrière le rideau de douche (normal j'en viens), rien dans le lavabo, rien non plus sur moi (oups, si quand même un minimum)... La pauvre se confond en excuses. C'est humain de chercher son jean, j'ai envie de lui dire, mais en même temps, comme elle en a déjà un sur elle, elle aurait pu attendre que j'ai fini de me pouponner.
J'appris quelques temps plus tard que c'était elle la fameuse fille dont je devais me méfier, qui était un peu bizarre, et à qui il fallait éviter de parler. Enfin, en terme de dialogue, ça s'est limité à cinq "non, c'est pas grave" en réponse à ses cinq "excuse-moi, je cherche mon jean"... Je ne pense pas avoir pris trop de risques.

Il était malheureusement bientôt temps de quitter cet endroit magique (pas la salle de bains, mais l'auberge) pour, heureusement, trouver un lieu où le charme des rencontres virtuelles allait opérer : le parc de la Villette, où nous devions tous nous retrouver, instits de tous horizons et de toutes connexions.


(à suivre)

Re: Je vous raconte notre rencontre IRL de ce 10 août...  mar 16 août 2005 00:38 Message précédentMessage suivant
Jean-Roch
Sixième épisode

Ma petite voiture a passé une bonne nuit dans sa ruelle parisienne. Pensez-vous, ça doit être angoissant pour une petite auto d'être avec plein de touristes : des 75, des 91, des 93, des 307... Je la console en ajoutant quelques provisions dans son coffre, et vérifie au passage qu'elle n'a pas dévoré toute la tarte aux oignons faite par Sally.

Ouh là, d'ailleurs, ce détail m'a échappé. Savez-vous que Sally voulait me faire travailler, en réalisant ce mets particulier ? Cette canaillousse (c'est un terme affectif de ma région) souhaitait, à mon insu, que je passe ma journée dans les fourneaux. Elle n'a pas mesuré l'ampleur du risque qu'elle prenait : mettre le feu à l'école en faisant revenir les petits oignons (comment aurait-elle fait sa rentrée ?), me tromper dans les quantités et réaliser ainsi une tourte aux oeufs au lieu d'une quiche aux oignons, ou pire, l'entamer et la terminer sous prétexte de goûter mon oeuvre. Non, assurément, heureusement que j'ai réussi à convaincre Sally de ne pas prendre le tablier de cuisinier. Entre nous, je n'ai convaincu personne, c'était le four de Paris qui était trop ridicule pour la taille du plat bourguignon. Amis pique-niqueurs, vous avez donc échappé à ma quiche aux oignons !

Nous voici à vive allure (80km/h devant les radars automatiques, un peu plus ailleurs) sur le périphérique de Paris. Heureusement que je m'y connais un peu, car c'est une route piège. Je vous explique : si par mégarde, en tant que bon touriste de passage à la capitale, vous décidez de suivre cet itinéraire pour mieux découvrir le paysage urbain de Paris, vous pouvez, sans le savoir, faire plusieurs fois le tour de la ville. Ces coquins de parisiens ont en effet joint les deux bouts du périphérique : le début et la fin. Ainsi, si vous êtes dans un véhicule nommé "V", et que votre vitesse est "v" (minuscule), V roulant sur le périphérique "P", vous pouvez sans le savoir faire V = 3P x v. Je simplifie : V = 3Pv. Et 3 PV, c'est pas sympa quand on est touriste à Paris...
C'était l'épisode pour les matheux, rassurez-vous les littéraires qui savourent des romans aussi incongrus que celui-ci, c'est terminé, on revient à votre activité favorite : la lecture !

Lisez donc ce qui suit. Sachant qu'il ne fallait pas tomber dans le piège du périphérique-sans-fin, nous avions décidé, avec Sally, de sortir à "Porte de la Villette". Là aussi, c'est une particularité du périphérique parisien : les "portes" sont des sorties pour voiture. Rien à voir avec les portes de vos maisons. Et inversement, au-dessus des portes de leurs habitations, à ces drôles de parisiens, il est écrit "Sortie". Allez savoir pourquoi ! Un jour, peut-être, j'écrirai un livre sur les moeurs parisiennes, ça me fera quelques épisodes savoureux...

Bref, nous prenons la sortie "porte de la Villette" (en tournant ainsi ma phrase, je me ferai comprendre à la fois des parisiens et des autres humains), et cherchons avidement les panneaux indicateurs "Pique-Nique de Cartables.net". Ce n'est pas facile à voir quand on conduit, mais je pense que c'est par là.
Tiens ? Un feu rouge. Je m'arrête donc, respectueux du code de la route. Ah, le feu est vert, je peux rouler, foncer même pour prendre "à la parisienne" ce joli rond-point qui fait au moins 300 mètres de diamètre. Mais pourquoi Sally ferme-t-elle donc les yeux ?? Horreur ! Y'a des voitures qui déboulent de partout... Encore un gag des parisiens : ils mettent des feux à leurs ronds-points, mais ils deviennent tous verts en même temps. Enfin, sympa les copines autos, elles n'ont même pas klaxonnées, juste freiné un peu... et sans abîmer ma Sally, ni la carrosserie.

Voyons, c'est pas tout droit cette fois. Après ce joli rond-point, il faut trouver une place. Bien discipliné, je suis les indications "P" de couleur bleue, en espérant qu'un mauvais gag parisien ne m'indique pas la Police, ou le Péage, ou encore le Pouletdrome (pour les courses de poulet... non, non, c'est pas la même chose que la Police). Ouf, nous voici dans l'entrée du Parking de la Villette. Mais pas ouf, un gars bien sapé nous arrête déjà. Réflexion faite, on va peut-être se trouver une place à l'extérieur, un mercredi du mois d'août ? Allons, juste un tour dans le quartier. Je vois Sally qui attrape déjà des sueurs froides lorsqu'il faut rejoindre le fameux rond-point désormais nommé "rond-point de la mort" (âmes sensibles, tremblez !). Pas de place. Ah, si, là-bas, Sally, j'en vois une. Non, c'était une entrée. Là, une grande ! Non, pour handicapés. Je m'excuse à l'avance auprès de Sally, va falloir reprendre notre rond-point pour revenir au parking du gars... Et là, miracle, le feu est vert, et nous sommes les seuls à tourner ! Les services de la DDE auraient-ils signalé à tous les automobilistes du quartier qu'il fallait éviter notre itinéraire à ce moment précis ? Je l'ignore. Résultat de la manoeuvre, nous revenons face à notre P bleu, et rentrons dans les arcanes d'un magnifique parking souterrain, digne des plus grands films d'action américains.

Bon, pas beaucoup d'action dans ce parking, on s'y est juste garé. Je sais, ce n'est pas très original, mais que voulez-vous, ce n'est pas mon genre d'inventer des aventures qui ne nous sont pas arrivées. Si ça peut vous faire plaisir (ça le fera à Sally), j'ai pas appuyé sur le bon bouton de l'ascenseur qui nous faisait remonter (piétons) à la surface, alors qu'elle, elle a trouvé le bon. J'ai bien fait de l'emmener quand même, j'aurais raté tout le pique-nique à attendre mon ascenseur qui n'était pas appelé.

Ouh là là, mon petit coeur commence à palpiter, nous approchons de la Géode, grosse boule brillante, lieu de notre rendez-vous ! Il n'y a qu'un bâtiment à traverser, et nous y sommes... Tiens, il y a un mot sur cette porte, voyons-voir : (en substance) "Pour des raisons de sécurité, le personnel de la Cité des Sciences vous demandera d'ouvrir vos sacs afin de procéder à une vérification de leur contenu".
On se regarde Sally et moi, et pensons la même chose : que vont-ils dire avec nos tartes, quiches, chips, et surtout bouteilles diverses (moi quelques bières, et elle sa fiole d'elixir magique, très douteuse... S'il y avait une terroriste dans le parc de la Villette à cette heure-là, ça ne pouvait être que celle qui portait une bouteille de cette forme-là !).
Nous prenons donc notre courage à deux mains, les sacs et les bouteilles des 2 autres (oui, je sais, j'ai déjà fait ce jeu de mot, mais c'est pour ceux qui l'avaient oublié), et nous décidons de faire le tour de cet énorme bâtiment que nous aurions mis 2 minutes à traverser, fouille comprise.

Voilà, cette fois nous voyons la géode, pas d'hésitation. Mais où sont donc nos cartabliens ?? Là-bas, plus bas, j'aperçois des gens qui attendent. Serait-ce eux ? Oui, j'ai reconnu Mamouth qui gigote en blanc au milieu ! Sally, fine tacticienne, décide de lui donner un petit coup de téléphone. Gagné ! La petite femme qui s'agite là-bas se calme soudain et se baisse pour fouiller dans son sac. "Ah c'est bien toi Mam. Dis, on est arrivé avec Jr, on est là-haut, tu nous vois ?".
Cette fois, on ne peut plus reculer. Un troupeau d'instits se dirige vers nous. Il y a des moments impressionnants dans la vie, lorsque des effets de masse se dirigent vers vous : la marée montante, des rhinocéros à la charge, la baignoire qui se remplit jusqu'à votre cou, les élèves de la collègue qui sortent en récréation... Mais une arrivée d'instits virtuels, transformés par un forum, en personnes réelles, c'est très saisissant. Je ne sais pas si à ce moment je n'ai pas saisi le bras de Sally en lui disant : "protège-moi, ils arrivent", mais si je ne l'ai pas fait, j'ai du le penser très fort.

Mes craintes allaient-elles être fondées ? N'avais-je pas eu tort de braver les interdits du tapis de souris Takatrouver (celui où il est marqué : "ne donne jamais tes coordonnées à un internaute qui te le demande. Parles-en autour de toi avant de rencontrer en vrai des personnes trouvées sur Internet...") ? Qu'allait dire Sally si je partais en courant ? J'hésitais...


(à suivre)

Re: Je vous raconte notre rencontre IRL de ce 10 août...  mer 17 août 2005 01:47 Message précédentMessage suivant
Jean-Roch
(Septième épisode)

Après tout, ce serait trop bête d'avoir fait tout ce chemin pour m'arrêter si près du but ! Et puis, avec la rencontre de Sally, j'ai déjà expérimenté ce que pouvait être la différence, donc je suis rôdé. Si les autres sont encore plus originaux, je me sauve.

Vous avez peut-être remarqué que j'utilise du masculin pour désigner le groupe qui est, au moment où je vous parle, occupé à gravir les marches d'un interminable escalier. Eh oui, c'est une drôlerie de la langue française, dont la règle, si je me souviens bien, est la suivante : si parmi une quantité nombreuse de femmes se trouve un Willy, et un seul, alors c'est le masculin qui l'emporte pour déterminer le genre de la phrase. Certaines instits qui me lisent doivent penser : la grammaire a été écrite par des mecs... mais je pense plutôt pouvoir affirmer que cette règle est assez tordue pour avoir été inventée par une femme (rappelons-le, à cette époque de structuration de la langue, les femmes étaient encore respectueuses de la gent masculine).
Mais laissons là ces querelles d'historiens, pour retrouver le sujet qui nous occupe.

Voilà, c'est la rencontre. On s'embrasse. C'est rigolo, je ne les connais pas tous ces gens... Et pourtant ! Vous m'imaginez dans le métro embrasser les 14 premières personnes qui auraient monté l'escalier ? Y aurait des barbus, des odorants, des pressés... Là, curieux hasard, y'a que des instits. Mais vous dire si ils sont barbues (là on va le mettre au féminin pour faire rigoler Siou), ou s'ils sentent mauvais... c'est un autre débat. Allez donc voir les photos, vous serez renseignés assurément.

Votre attention, il faut que je vous raconte quelque chose de dangereux lorsque vous embrassez quelqu'un qui n'est pas de votre région : il faut savoir, qu'en France, on n'embrasse pas de façon égalitaire (malgré notre devise nationale...). La liberté et la fraternité, ça a du sens dans les embrassades, mais pas l'égalité. Oh non, je ne vous parle pas d'une égalité mathématique : tout le monde sait bien qu'on embrasse ici une fois, là 2 fois, dans cette région 3 fois, chez ma collègue Edith 4 fois, et même à certains endroits 6 fois (faut bien prendre sa respiration avant de commencer). Concernant le nombre, une fois qu'on est lancé, la fin importe peu ; non, je vous parle d'un phénomène beaucoup plus grave - vous l'avez peut-être deviné entre mes lignes - et je vous livre cette évidence sans ménagement : en France, tout le monde ne commence pas à embrasser du même côté !
C'est très difficile, quand on est seul face à son ordinateur, de trouver le sens qu'on utilise... Mais après avoir embrassé 5 fois mon écran, je crois pouvoir dire que dans le Nord, nous commençons les embrassades par la gauche. Je décompose le mouvement : les deux embrasseurs avancent leur visage respectif vers la gauche de celui qu'ils ont en face, et chacun reçoit donc une accolade bisouteuse sur sa joue droite ; puis ils recommencent dans l'autre sens (vers la droite, pour viser la joue gauche). Essayez avec votre écran, ça fera rire ceux qui vous observent...
Eh bien dans certaines régions reculées, on commence par l'autre côté. Avouez que c'est très gênant, car souvent, dans la précipitation, chaque embrasseur, présentant la même joue, se rend compte qu'il faut changer de sens, et c'est l'accident : on se cogne le nez, on se touche la bouche (ma pauvre inspectrice qui venait de l'Isère, où l'on embrasse à l'envers, s'en souvient), on se percute les mentons... J'ai connu des personnes qui ont failli en souffrir, de ces chocs trop violents. Alors imaginez quand 14 personnes doivent embrasser 13 autres individus (on ne s'embrasse pas soi-même) : si la moitié embrasse à l'envers, quel temps perdu à se cogner et à se tromper !

Cette première difficulté (s'embrasser) étant franchie, nous décidons de rejoindre l'aire de Pique-Nique.
On la reconnaît facilement, il faut de l'herbe, de l'ombre, et à manger. Pour l'herbe, c'est là-bas, pour l'ombre c'est ici, et pour la nourriture, c'est dans les sacs.

Nous voici donc installés en joli cercle, digne d'un cours de géométrie des instits de cycle 3, autour de plats et d'assiettes multicolores, dignes des créations d'Art Plastique du cycle 1. Quant aux enseignants de cycle 2, ils s'installent eux aussi, risquant de se mélanger aux autres...
Souvent, au début des réunions pédagogiques, il y a quelqu'un qui prend la parole pour dire comment ça va se passer (le même qui prend la parole à la fin pour nous redire comment ça s'est passé). Et là merveille : aucun casse-pieds ne prend la direction des opérations !

Au contraire, une personnalité se détache déjà par sa célébrité : j'ai nommé Valé. Eh oui, on l'avait annoncé sur France Info et sur Radio Cité : Valé avait réussi à reconnaître, selon des sources fiables, tous les membres présents au pique-nique. Ah, je savais qu'il y avait un privilège à être modérateur, mais j'ignorais qu'ils tenaient un listing détaillé sur chaque membre... Méfiez-vous de votre écran, nos modérateurs nous surveillent : on voit même les deux petits yeux entre les heures et les minutes de l'horloge windows (pour les lecteurs sous Macintoch, merci de lire "apple" à la place de "windows").

Alors à mon tour, je vais tenter de reconnaître tout le monde.
Cette star aux lunettes de noires à côté de moi, c'est trop facile, elle vient aussi du grand nord, c'est Marylène. Ça ne serait pas le lieu ici de raconter toutes les folies qu'elle entreprend lorsque sa ville vibre aux sons du Carnaval, ni les astuces qu'elle doit déployer pour pouvoir obtenir quelques minutes d'utilisation de son ordinateur, squatté par de belles grandes filles (enfin j'imagine qu'elles sont belles avec une maman comme ça...) (oui, on me l'a déjà dit, je sais parler aux femmes...). En tous cas, c'est elle qui a apporté le dessert le plus chocolaté et le plus beurré qu'on puisse trouver au nord de Perpignan : les "doigts de Jean Bart" !
Astucieuse la Marylène, elle savait bien qu'en nous offrant ce genre de gourmandise, on allait parler un peu de sa ville. On apprit donc ce jour-là que Jean Bart se prononçait [jan bar], et non pas [jan barteu] comme le disaient les filles du sud... et qu'accessoirement, c'était un grand corsaire qui avait sauvé un truc un jour... Depuis, chaque année, dans toute la France, mais surtout autour de Dunkerque, on chante l'hymne à Jean Bart chaque week-end de janvier à avril.

Mais, suis-je étourdi ? j'ai commencé par le dessert, ce n'est pas logique. Revenons donc à l'entrée fraîche : Aurore. Euh, je parle de ces melons... Enfin, euh, vous m'avez compris, n'allez pas lire dans mes propos quelques pensées triviales dont je n'ai même pas l'idée !
Vous avez certainement lu les aventures d'Aurore dans le métro. C'est un best-seller de l'été (les aventures de Martine, ça ne se vendait plus assez bien). J'ai d'ailleurs trouvé la réponse à une question que je ne m'étais pas posée : pourquoi Aurore avait-elle pris le métro ? Je pense pouvoir affirmer, sans hésitation, que c'est après avoir lu mes mises en garde sur les dangers du périphérique parisien qu'elle a décidé de ne pas prendre l'auto. Vous le savez maintenant, le périphérique, c'est un piège. Et encore, je ne vous ai pas parlé de la différence subtile entre "périphérique extérieur" et "périphérique intérieur". Je pensais que l'un servait à rentrer dans la ville, l'autre à en sortir... Pas du tout ! C'est juste une question de sens pour tourner. Sur le premier, on tourne dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, sur l'autre dans le sens inverse du sens inverse, et sur les deux, on y roule à droite. Il faut donc être sacrément bien latéralisé pour maîtriser ! Ainsi, je comprends tout-à-fait qu'une pauvre fille venant d'un département comme le Gers préfère le confort du métro à la rudesse du périphérique... Elle n'aurait peut-être pas compris son sens de fonctionnement.
Ma pauvre Aurore (si tu as osé lire jusqu'ici), je plaisante bien sûr. Et j'espère bien que mon lecteur aura compris que toute ressemblance avec des personnes ou des faits ayant vraiment existé serait totalement fortuite. Ce qui m'enchante, c'est de savoir que tu as mis, comme le dit la pub, un peu de douceur dans ce monde de brutes, par le parfum suave des melons chatouillant les narines inhabituées des tubistes parisiens (le tubiste est au "tube" ce que l'automobiliste est à l'automobile). Fin de l'aparté pour Aurore (comment, des indiscrets auraient lu ces lignes ?! Certainement des curieuses, encore...).

Continuons le tour de table. Même si la table est basse...
A côté d'Aurore, je vous présente Siou. A moins que ce ne soit Aurore qui soit à côté de Siou ? Peu importe le sens pourvu qu'on ait l'ivresse (bah oui, ça donne la tête qui tourne tout ce monde en rond...). Voyons-voir, qu'y a-t-il au fond de son sac ? Ah non, j'aperçois des petites choses qui ressemblent au dessert. On va donc la garder pour plus tard, notre grande Siou.

C'est donc du côté de l'entrée non sucrée que je me tourne : Willy, en parfait modérateur, et en homme de la maison, a déjà réquisitionné Isab et IsabelleSams, et leur distribue de façon énergétique les tâches : toi, tu prends l'assiette de ce côté, toi, avec un couteau, tu tranches verticalement le cake sans abîmer les olives, moi, je pose trois tomates-cerise et je fais passer vers la gauche. Je me coyais soudain dans une émission de télé-réalité, avec des candidats apprenant à faire un beau pique-nique. Mais non, pas de caméras dans les environs, Willy assure simplement sa réputation de modérateur intransigeant. Personnellement, je n'ai eu que 2 tomates-cerise dans mon assiette, mais malgré ma grande détresse, je n'ai rien osé dire, de peur que le public n'élimine l'une des deux candidates... J'ignorais qu'il fallait s'appeler Isabelle pour participer aux émissions de télé-réalité de Willy.

Bon, me voici avec une assiette dans la main, deux fourchettes en plastique dans l'autre, tout cela a l'air délicieux ! Et comme ma maman m'a toujours dit de ne pas parler la bouche pleine, je vais me taire un peu le temps de finir mon assiette...


(à suivre)


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